Dirigée par Ohad Naharin, la Batseheva Dance company présente Last Work, une pièce pour dix-sept danseurs. «Histoire de danse racontée à travers la danse», Last Work combine ces éléments essentiels dans les chorégraphies d’Ohad Naharin que sont le mouvement, la composition, l’espace, la lumière, et le son.
Last Work : une forme claire
Last Work est donc une histoire de danse, une pièce dont le titre faussement testamentaire laisse apparaître l’absence de résignation. Cette dernière n’est pas sans évoquer son opposition au gouvernement de Benyamin Nétanyahou et à sa ministre de la culture, Miri Regev : «Je voulais intituler mes trois dernières créations Last Work. J’ai toujours changé d’idée, mais pas cette fois. Je crois que je voulais apporter une dimension dramatique avec ce titre, sans pour autant dévoiler quoi que ce soit. Reste présente l’incertitude liée aux conséquences des décisions du gouvernement israélien à l’égard duquel Ohad Naharin fait preuve d’une sévérité critique. Toute nouvelle création peut se révéler être la dernière.
Si l’improvisation est habituellement privilégiée par Ohad Naharin, Last Work entend tout au contraire créer une «forme claire», les danseurs devant choisir d’incarner trois types des personnages (un bébé, une ballerine, et un bourreau) devant être exprimés sur scène comme de véritables «états d’esprit». Et Ceux-ci peuvent ainsi trouver consistance grâce à une technique de danse désormais éprouvée et inventée par Ohad Noharin, le «gaga» pensée comme une sorte de boîte à outils destinée à servir efficacement l’improvisation. Cette technique refuse certainement en premier la symétrie pour laisser place à l’écoute du corps et retrouver ce qu’Ohad Naharin appelle son «pouvoir explosif». Dés lors, les danseurs semblent libérés de toute contrainte, leurs corps livrés à une entière liberté de mouvement, qui n’oublie pas toutefois la précision de l’exécution.
Last Work
Sur une scène dépouillée où des panneaux blancs sont disposés sur chacun de ses côtés, Last Work s’ouvre sur une jeune femme vêtue d’une robe bleue, courant sur un tapis de course, à l’arrière de la scène, tout au long de la représentation. Regardant droit devant elle, on ne sait si elle fuit ou se dirige vers un point précis. Peut-être n’est-elle que l’incarnation de l’écoulement du temps. Mais l’action qui se déroule devant elle n’en devient que plus relative. Alors que les danseurs sont en mouvement perpétuel, la jeune femme continue sa course.
Au cours des trois tableaux qui composent Last Work, l’agilité des corps qui s’exprime pleinement à la fin de la pièce est d’abord contenue, l’accompagnement musical soulignant en premier lieu le pouvoir d’une danse lente portant à la contemplation.
Last Work donne à voir une large gamme de mouvements prenant le contre-pied des codes de la danse classique : torsions cambrées défiant la gravité exécutées au ralenti, corps qui semblent désarticulés, soubresauts agitant jambes, bras, et mains. Autant de mouvements donnant naissance à des formes qui traduisent une spontanéité instinctive retrouvée.