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L’Art numérique

La situation du numérique sous l’angle de l’art, de l’histoire, de la technologie, du rapport difficile à la critique et aux institutions en France, de la mondialisation, etc. Un exposé que l’on suit avec intérêt tant il démêle avec aisance les nombreuses ramifications d’une tendance de plus en plus présente dans le champ de l’art.

— Éditeur : Flammarion, Paris
— Année : 2003
— Format : 22 x 13,50 cm
— Illustrations : aucune
— Pages : 261
— Langue : français
— ISBN : 2-08-210110-X
— Prix : 19 €

Introduction
par Edmond Couchot et Norbert Hillaire (extrait, pp. 7-9)

Depuis une dizaine d’années, après trois décennies de quasi-clandestinité, l’art numérique connaît une véritable explosion. Non seulement de nouvelles formes d’art apparaissent (images de synthèse, dispositifs interactifs, multi et hypermédia, art sur réseau), mais presque tous les arts traditionnels empruntent, et de façon croissante, aux technologies numériques, se revivifient et se transforment à leur contact : les arts graphiques et photographiques, les arts plastiques, l’art vidéo, le cinéma, la télévision. Ce ne sont pas uniquement les arts visuels et la musique qui sont sous influence numérique, mais aussi la poésie et la littérature, les arts vivants (théâtre, danse, opéra). Et, dans la mesure où la dimension artistique y est très affirmée, le très vaste — et culturellement très important — domaine des jeux vidéo.

La profusion d’œuvres dans le monde et sur les réseaux est devenue telle qu’il est impossible d’en établir un recensement satisfaisant. Mais une constatation s’impose : l’art numérique existe et il est en pleine évolution. Il a une histoire, internationale, déjà vieille d’une quarantaine d’années, du moins dans les pays industrialisés, et un avenir qui s’annonce plein de promesses. L’abondance des projets, qui demeurent toujours difficiles à réaliser, le prouve. L’art numérique a également un public qui l’apprécie et qui se manifeste largement dès que les occasions, encore trop rares, lui sont données d’approcher les œuvres. Il a aussi ses écoles, ses centres de recherche qui, malgré une absence opiniâtre de politique cohérente et de moyens, en France surtout, forment les artistes d’aujourd’hui et de demain, explorent de nouveaux territoires, interrogent la technique non pour la subir, mais pour la mettre sens dessus dessous. En ce début de millénaire, l’art numérique compose incontestablement une large partie du paysage artistique contemporain dans le monde, mais aussi en France.

Or, cet art, dont l’identité est rarement reconnue par le monde de l’art contemporain, alors qu’il a reconnu — sans doute tardivement, mais néanmoins avec un intérêt certain — l’art photographique, l’art vidéo, le mail art, le copy art et bien d’autres formes d’expression s’appuyant sur des techniques spécifiques qui lui sont antérieures ou contemporaines, cet art reste, sauf exception, à l’écart de l’art dit « contemporain », ignoré par les institutions, par la critique, par les historiens et les esthéticiens ainsi que par le marché de l’art.

Cet ouvrage n’est pas un manifeste où toutes les tendances de l’art numérique exprimeraient d’une seule voix leur programme. Il arriverait trop tard et priverait les artistes de la possibilité de promouvoir leurs propres idées, ce qu’ils font depuis longtemps déjà et fort bien. Il n’est pas davantage une « défense et illustration » traditionnelle qui se proposerait de justifier une forme d’art nouvelle à côté ou contre des formes d’art plus anciennes ou différentes. Cette tâche doit être laissée à la nouvelle critique que nous espérons voir se constituer bientôt, si toutefois elle juge l’entreprise indispensable. L’objectif de ce livre est d’abord de faire connaître le plus largement possible le vaste domaine de l’art numérique et d’en dresser un panorama mondial. Si le recul est suffisant pour mettre en perspective historique les premières années de l’art numérique, la tâche est moins aisée pour les dernières années, qui sont aussi les plus importantes du point de vue de la production avec l’apparition des techniques multimédias, la réalité virtuelle et les réseaux.

Mais on ne saurait bien comprendre ce qui caractérise la nouveauté de cet art, et en même temps ce qui l’inscrit dans une certaine tradition, sans comprendre en quoi la technologie qui le rend possible — le numérique — diffère fondamentalement des techniques de figuration traditionnelles. Il s’agira de montrer quels bouleversements profonds, radicaux, le numérique introduit dans les modes de production, de diffusion et de conservation des œuvres, dans le rapport souterrain, mais crucial, qui s’instaure désormais entre l’art et la science, qu’elle soit « appliquée » ou « fondamentale ». Cet objectif nous paraît capital, car l’art numérique a trop longtemps été masqué par sa technicité qui restait, d’ailleurs, inconnue du public de l’art contemporain. C’est pourtant bien à la technique que l’on doit les aspects paradoxaux de l’art numérique. Le lecteur constatera très vite que ces paradoxes sont légion et qu’ils cachent à la fois ce qui fait sa spécificité et son originalité profonde, en rupture avec la longue histoire des techniques. Essentiellement technique de simulation, et par là importateur de tout ce que la science produit comme modèles logico-formels, le numérique peut simuler un nombre considérable de techniques qui lui préexistent, cependant qu’il met en œuvre des techniques totalement nouvelles.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Flammarion)

Les auteurs
Edmond Couchot est docteur d’État, professeur émérite des universités. Il a dirigé la formation de 2e cycle « Arts et technologies de l’image » à l’université Paris VIII pendant une vingtaine d’années. À l’origine plasticien, il s’intéresse en tant que théoricien aux relations de l’art et de la technologie. Il est l’auteur de nombreux articles et a notamment publié La Technologie dans l’art (J. Chambon, 1998).
Norbert Hillaire est professeur des universités et enseigne dans le département « Art, communication, langage » de l’université de Nice-Sophia-Antipolis. Théoricien de la communication et critique d’art, il a dirigé plusieurs missions d’étude et divers numéros hors-série de la revue Artpress. Il a publié Œuvre et Lieu : essais et documents (avec Anne-Marie Charbonneaux, Flammarion, 2002).

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