Pablo Picasso, Jean Dubuffet, Antonin Artaud, André Breton, Marcel Duchamp, Georges Braque, Alexander Calder, Marc Chagall, Robert Delaunay
L’Art en guerre, France 1938-1947: De Picasso à Dubuffet
En introduction, l’Exposition internationale du Surréalisme de janvier 1938 apparaît comme prémonitoire au moment de la montée des périls, et «sous l’angle du sombre» et de «l’étouffant» défini par André Breton et Marcel Duchamp.
Dans les nombreux camps d’internement en France, les prisons et bientôt dans le secret de lieux clandestins, on crée encore: des œuvres de survie traduisent l’énergie désespérée d’artistes qui adaptent leur processus de création et leurs matériaux — cire, ficelle, pierre, papier à musique ou d’emballage, etc. (Brauner, Ernst, Freundlich, Lévy, Nussbaum, Rosenthal Salomon, Soos, Taslitzky, Wols).
Après la drôle de guerre et la défaite de la France, avec l’Occupation nazie et l’instauration du régime de Vichy, les artistes sont condamnés à s’adapter aux nouvelles réalités des années noires et, pour certains d’entre eux, à la clandestinité dans les refuges: à Marseille, Grasse, Sanary ou Dieulefit (Arp, Hausmann, Magnelli, Masereel, Räderscheidt, Steib, Taeuber, Tita). Dans la partie la plus visible de la scène parisienne, dominent les maîtres référents, Matisse, Picasso, Léger, Bonnard, Rouault, et les «jeunes peintres de tradition française» qui s’en réclament (Bazaine, Estève, Lapicque, Manessier, Singier). L’ouverture partielle du Musée national d’art moderne, en 1942, au Palais de Tokyo, permet de saisir le goût timoré de l’époque expurgée de ses «indésirables»: juifs, étrangers, anticonformistes, etc.
Par contraste, la galerie Jeanne Bucher est l’une des rares exceptions à présenter (sans publicité) des pièces d’artistes jugés «dégénérés» par la propagande totalitaire en Allemagne mais aussi en France. (Klee, Domela, Kandinsky, De Staël).
Quant à Picasso, l’audace est intacte: interdit d’exposition et reclus dans son atelier des Grands-Augustins, il multiplie les chefs-d’œuvre: L’Aubade, le Grand nu, les Têtes de mort, les dessins érotiques, Tête de taureau et sa pièce de théâtre Le désir attrapé par la queue.
Entre 1944 et 1947, les œuvres de l’après-guerre répondent à la violence faite aux corps et aux esprits depuis des années. Cette partie de l’exposition questionne la redéfinition des grands mouvements modernes, les uns assurent la «Reconstruction» — autour du Parti communiste français (Fougeron, Herbin, Pignon) et du renouveau de l’Art sacré —, les autres empruntent une ligne de fuite radicale: tachisme, informel, art brut, lettrisme, récupération de déchets ou d’objets rejetés par la guerre.
Tout témoigne de l’irrépressible décompression psychique à l’œuvre comme seule réponse à l’histoire (Atlan, Bissière, Debré, Fautrier, Giacometti, Hartung, Leduc, Masson, Richier, Riopelle, Soulages, Schneider, Tal-Coat).
Le premier vrai scandale après la Libération est déclenché en 1946 par l’exposition Dubuffet à la galerie Drouin: Mirobolus, Macadam et Cie. Hautes Pates, mis en relation avec tout ce qui compte alors en matière d’art «autre» chez les naïfs, les anonymes dans les asiles ou tous les «anartistes» (Artaud, Bryen, Chaissac, Corbaz, Duf, Forestier, Hyppolite, Michaux, Miro, Pujolle, Villeglé, Wols).
critique
L’Art en guerre, France 1938-1947: de Picasso à Dubuffet