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L’Art depuis 1960

Chronologie et thèmes majeurs sont au centre de cette étude sur l’art depuis 1960. L’analyse de Michael Archer remet chaque mouvement artistique dans son contexte, explique leur théorie et fait le point sur la place de l’art contemporain aujourd’hui.

— Éditeur(s) : Paris, Thames & Hudson
— Année : 2002 (nouvelle édition)
— Format : 21 x 15 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Page(s) : 256
— Langue(s) : français
— ISBN : 2-87811-135-4
— Prix : 14,95 €

Préface
par Michael Archer

Ce que l’on remarque immédiatement lorsque l’on regarde l’art d’aujourd’hui, comparé ne serait-ce qu’à l’art d’il y a vingt ou trente ans, c’est une profusion sans précédent de styles, de formes, de pratiques et de démarches. Il semblerait que plus nous voyons d’œuvres, moins nous soyons certains de ce qui permet de dire qu’une oeuvre est de l’art, du moins si l’on se place d’un point de vue traditionnel. La peinture, le métal et la pierre ne bénéficient plus, désormais, de leur statut privilégié d’uniques matériaux entrant dans la composition d’une œuvre d’art: l’air, la lumière, le son, les mots, les personnes, la nourriture, les détritus, les installations multimédias et bien d’autres choses encore en font maintenant partie.

Il existe peu de techniques conventionnelles ou de méthodes de production de l’art, voire aucune, qui, aujourd’hui, font qu’une œuvre achevée sera considérée comme étant de l’art. Le traditionnaliste ne peut pas faire grand chose pour empêcher la tendance selon laquelle même les activités les plus triviales passent pour de l’art. Le fait que la peinture continue d’être un genre important n’a ni enrayé l’augmentation de l’utilisation d’autres moyens de représentation tels que la photographie ou la vidéo, ni mis un terme à l’adoption de manières assez improbables de faire de l’art, comme se promener, serrer des mains ou cultiver des plantes.

En 1961, à l’orée d’une décennie au cours de laquelle toutes les certitudes passées concernant l’art allaient être bouleversées, le philosophe Theodor Adorno ouvrait sa Théorie esthétique par l’affirmation suivante: « Il est devenu évident que tout ce qui concerne l’art […] ne va plus de soi, pas même son droit à l’existence ». L’idée même que l’art a constitué, du moins depuis le milieu du XIXe siècle, un défi à l’ordre social établi n’apparaît plus comme une certitude. Et ce que signifie le fait de qualifier une œuvre de moderne ou d’avant-garde a changé.

La richesse et la diversité de l’art contemporain ne sont pas, en revanche, symptomatiques d’un état des choses chaotique. L’étude de la création artistique de ces quarante et quelques dernières années révèle en effet des thèmes et des courants majeurs. Il est notamment intéressant de constater que certaines des démarches fondamentales de l’avant-garde moderniste du début du XXe siècle ont été reprises, réinterprétées et développées par les artistes contemporains. De plus, ces artistes n’ayant plus à subir les contraintes imposées par les débats critiques des décennies antérieures, ils Jouissent désormais d’une liberté quasi-totale dans le choix du médium ou de la technique pour exprimer leur propos.

Nous tenterons dans ces pages de dresser un panorama des profondes transformations qui ont affecté l’art depuis le Pop Art jusqu’à nos jours. L’exposé suit un ordre globalement chronologique tout en s 1 articulant autour de quelques thèmes majeurs afin de permettre l’analyse de l’extraordinaire diversité des formes et des pratiques ayant vu le jour au cours de la seconde moitié du XXe siècle.

Grâce à la réévaluation de la relation entre l’art et le quotidien, il est possible d’établir un lien entre les œuvres a priori très différentes issues du Pop Art et du minimalisme. L’étude des préoccupations communes à ces deux mouvements permet d’appréhender le large éventail d’œuvres post-minimales et notamment l’art conceptuel, le Land Art, la performance, le Body Art et les débuts de l’installation. Au cours des années 1960, ces œuvres ont systématiquement remis en cause la vision moderniste de l’histoire de l’art, vision incarnée en particulier par le critique américain Clement Greenberg (1909-1994).

Une des conséquences de cette remise en question fut d’admettre que la signification d’une œuvre d’art n’est pas nécessairement intrinsèque à l’œuvre mais le plus souvent le produit du contexte dans lequel elle existe. Ce contexte est tout autant social et politique que formel, et les questions de politique et d’identité, à la fois culturelle et personnelle, sont devenues centrales à l’art dès les années 1970. On pense notamment à l’impact profond qu’ont eu et continuent d’avoir le féminisme et le post-colonialisme. Les théories psychanalytiques, philosophiques et d’autres formes de théorie culturelle s’imposèrent vers la fin des années 1970 dans l’élaboration d’un « postmodernisme critique ».

Les œuvres que ces théories servaient à interpréter poursuivaient le questionnement de la nature de l’art commencé dans les années 1960. Parallèlement, on assista à une résurgence d’une peinture traditionnelle qui, considérée à l’époque comme une réaction plutôt conservatrice aux expérimentations des années 1960 et 1970, fut soutenue par l’explosion du marché de l’art durant le boom économique des années 1980.

Les deux derniers chapitres de ce livre examinent les œuvres créées à partir des années 1990 et analysent les manières dont l’art d’aujourd’hui poursuit et transforme les thèmes et les préoccupations des années précédentes. Aujourd’hui, par exemple, le nombre croissant d’expositions présentant des panoramas internationaux témoigne d’un monde de l’art de plus en plus multiculturel, tandis que la multiplication des musées d’art contemporain dans les principales villes du monde font dire à certains que l’art appartient désormais à l’industrie plus large des loisirs et des divertissements.

Le fait que les gens puissent considérer l’art ainsi est la preuve qu’un changement majeur a eu lieu au cours des années qu’aborde ce livre. La distinction entre l’art et le quotidien, thème sur lequel cet ouvrage s’ouvre, a progressivement perdu de sa pertinence; aujourd’hui, penser qu’il existe une différence essentielle entre ces deux termes n’a plus aucun sens. Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, les vieilles certitudes concernant les différences politiques et économiques ont été ébranlées; l’art aussi se trouve aujourd’hui dans un environnement radicalement différent. Il s’agit d’un environnement éminemment fluide, qui ne compte que quelques rares points de référence, dans lequel les éternelles questions concernant la création, l’exposition, le jugement, l’interprétation, le bon et le juste puisent une énergie nouvelle.

L’auteur

Michael Archer collabore à Art Monthly et à Artforum. Il enseigne au Chelsea College of Art and Design et au Goldsmiths College à Londres. Il est également l’auteur de plusieurs textes de l’ouvrage Installations – l’art en situation paru aux Éditions Thames & Hudson.

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