ÉCHOS
03 Déc 2015

L’art contemporain répond à Marine Le Pen

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En réaction aux récentes déclarations du Front National, les FRAC reviennent sur le rôle essentiel de l’art au sein de la société et sur leurs missions de service public.

Peut-on comprendre le monde dans lequel nous vivons sans s’intéresser à l’art et aux artistes d’aujourd’hui? A la veille des élections régionales, la question mérite d’être posée.

Jusqu’ici, toutes les régions, chacune avec leur propre sensibilité, et malgré les alternances politiques, ont considéré qu’il était essentiel de rendre accessible au plus grand nombre, non seulement les grandes œuvres du passé mais aussi la création d’aujourd’hui. Elles ont mis les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) au cœur de cette volonté de démocratisation et de soutien aux créateurs.
L’Etat de son côté, dans la loi pour la liberté de la création, veut consolider leur position dans le paysage français en créant pour eux un label. Car les FRAC assurent une mission de service public. Ils ont constitué en trente ans des collections reconnues dans le monde entier qu’ils mettent à disposition des publics les plus variés : écoles, services sociaux, entreprises, hôpitaux, associations de toutes nature et bien sur musées en région.

Le regroupement des régions ne change pas cette mission. Les FRAC vont utiliser cette occasion pour engager un renouveau de leur action. Ils vont proposer un plan triennal pour intensifier encore la diffusion de leurs collections qui sont déjà les plus montrées de France, pour développer leur travail en réseau — entre eux mais aussi avec tous les autres acteurs dans les régions —, pour s’engager dans le monde digital et pour enfin donner un nouvel élan à la médiation et à l’éducation artistique qui est leur domaine d’excellence. En 2016, ils organiseront une grande journée nationale des FRAC pour faire connaître encore mieux leurs actions.

Pour réussir demain, il faudra préserver la diversité de ces institutions afin qu’elles restent proches de leurs publics et de leurs partenaires les plus divers. La diminution du nombre des régions n’entraîne pas la diminution du nombre des lycées. Si l’on veut continuer à irriguer tous les territoires, la même règle vaut pour les FRAC. Cela exige naturellement que dans les nouvelles régions ils coopèrent pour faire plus ensemble qu’ils ne faisaient séparément. Il faut enfin que les FRAC restent des structures légères, donc réactives et peu coûteuses. Rappelons qu’aujourd’hui, en moyenne, leurs budgets sont d’un million d’euros et leurs équipes de dix personnes.

Comment rendre cette politique culturelle plus vivante encore? Comment faire en sorte que les publics se l’approprient davantage? La réponse est dans le débat. La culture est faite pour susciter la réflexion, l’esprit critique, la remise en cause. Au moment où le populisme semble avoir trouvé un beau matin son nouveau mouton noir avec les FRAC, osons débattre de leur action et de l’art contemporain.

Premier débat. L’inaliénabilité des collections.
Depuis trente ans certains nous disent : «Vous avez des collections trop importantes, il faut les vendre!». Depuis trente ans que d’arguments échangés avec forces rapports à l’appui! La question a toujours été tranchée en faveur de la protection de ces collections qui représentent pour chaque région un patrimoine considérable, ne serait-ce que par leur valorisation financière. Rappelons-nous, nos musées n’avaient acheté aucun impressionniste, ni aucun cubiste ou fauve… Ils s’en sont mordus les doigts…

Second débat. La nature de l’art contemporain.
Depuis trente ans on nous dit «n’achetez-vous pas un art trop contemporain, trop ésotérique, trop éloigné des préoccupations du public?» Mais quel art faudrait-il alors acheter? Sous Louis XV on ne faisait pas du mobilier moyenâgeux ou des châteaux forts mais de l’art «contemporain», c’est-à-dire du Louis XV! Quant au public, il semble bien qu’il s’intéresse à l’art d’aujourd’hui puisque en 2013, pour leur 30 ans, les FRAC ont eu près de 2 millions de visiteurs et en 2014, 1,6 million. Beaucoup d’institutions et de musées aimeraient en accueillir autant.

Troisième débat. Le monde de l’art contemporain est clos.
Depuis trente ans, on nous dit les FRAC sont un système où quelques directeurs avec des galeries décident de façon opaque d’achats coûteux et font «la mode». Depuis trente ans les FRAC ont apporté la preuve de leur transparence. Leurs comités d’achat sont totalement indépendants. Ils regroupent des directeurs de musées, des commissaires d’expositions, des collectionneurs ou encore des critiques d’art et bien sûr des artistes eux-mêmes qui ont procédé à des acquisitions extrêmement judicieuses à des prix très raisonnables. Car ils achètent les œuvres en moyenne moins de trois ans après leur production et pour beaucoup d’artistes, être acheté par un FRAC a été un premier pas dans leur carrière. Comment d’ailleurs 23 comités différents, renouvelés régulièrement, qui ont acheté à près de 5 000 artistes depuis trente ans pourraient-ils faire le marché alors que leurs budgets d’achat individuels sont en moyenne de moins de 130 000 euros par an? C’est une goutte d’eau dans le marché de l’art! Mais à l’étranger on nous l’envie!

Quatrième débat. Le public est toujours le même.
C’est à mon sens la question la plus importante car il est vrai que malgré leurs énormes efforts, tous les musées et en premier lieu le centre Pompidou, rencontrent une grande difficulté à élargir leur public au-delà des classes privilégiées, déjà introduites à la culture. Mais quelles institutions plus que les FRAC font l’effort d’apporter des œuvres majeures de notre temps au plus près de nouveaux publics? On l’a vu leurs résultats en termes de nombre de personnes atteintes est loin d’être négligeable. Mais c’est un effort jamais terminé.

Toutes ces questions se posent. Discutons donc pour continuer à améliorer le travail et la réflexion des FRAC avec l’Etat et les régions qui les financent conjointement mais aussi avec tous leurs partenaires. Car ils sont un ferment du lien social dont nous avons tant besoin, et qui donne à l’étranger l’image d’une France ouverte et créative.

Bernard de Montferrand
Président du FRAC Aquitaine
Président de Platform, le regroupement des FRAC

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