Simon Boudvin
L’anse brisée – travaux d’anastylose
Jean Brolly présente « L’anse brisée – travaux d’anastylose », la première exposition de Simon Boudvin à la galerie. « L’anse brisée » est une exposition inspirée d’un texte de Georg Simmel qui définit le design depuis la fonction : l’anse d’une tasse doit convaincre l’usager de se saisir de cette excroissance.
Cette exposition prolonge l’inventaire de formes déchues initié par l’artiste : une visite du XXIe siècle dans laquelle la normalité est questionnée autour de la notion de « form after function ».
L’oeuvre centrale est un pylône haute tension, reproduit au 1/5e de son échelle, sur lequel une force aura été exercée jusqu’à le faire plier. L’objet, initialement conçu selon de savants calculs pour résister à des forces extrêmes, ne répond plus ici à sa fonction initiale de « grand colosse » invincible. Déformé, réduit à une forme inerte, il est présenté couché tel un héros à terre.
Simon Boudvin s’intéresse à l’envers du décor, à la partie cachée de notre société avec tous ses gâchis. Quelques photographies témoignent de ces infrastructures monofonctionnelles oubliées : une route, un pont, une fondation de bâtiment.
De ces structures, certaines ont été abandonnées avant même leur mise en service, d’autres semblent avoir résolu un besoin très vite dépassé. Leur sort apparaît compromis. Envahies par une nature rebelle qui reprend ses pleins pouvoirs sur une pensée irraisonnée, elles paraissent délaissées à tout jamais et deviennent de véritables anomalies.
Deux planches de plans avec coupes et élévations, redessinent au trait un bâtiment détruit et réduit à un tas de gravats. Ces dessins techniques réalisés avec le plus grand soin, détaillent et cotent ce monticule de matières inertes au même titre qu’un projet classique avant exécution.
L’anastylose est la méthode appliquée pour la réalisation de certains des travaux exposés. C’est une technique d’archéologues qui consiste à reconstituer un monument à partir de ses ruines. Un jeu de puzzle en quelque sorte.
Sur une étagère sont présentés trois tas de poussières, très réguliers appelés tectoèdres et réalisés avec une poussière issue d’un tamisage de gravats collectés sur un chantier de démolition.
Par ailleurs, une vidéo montre un cube métallique d’1 m3, animé physiquement par l’artiste enfermé à l’intérieur, sur des tas de matériaux de démolition. Tel un objet fou, le cube se déplace tant bien que mal dans cet univers chaotique comme à la recherche d’un emplacement idéal.
critique
L’Anse brisée – travaux d’anastylose