Jonathan Meese reprend l’histoire du Comte de Monte Christo, le célèbre héros d’Alexandre Dumas, en une série bariolée, enfantine et déchaînée… Comme le prisonnier, il se libère de tout académisme : il s’évade de la prison des dogmes et des règles préétablies.
Ces œuvres ont été réalisées parallèlement à une performance que Jonathan Meese a donnée au Goethe Institut le 26 octobre 2007 intitulée La Vengeance de Monte Christo. Il décline le thème sous la forme d’une performance théâtrale déjantée et de petits dessins quasi-abstraits aux formes explosées et aux couleurs explosives.
On connaît l’aisance théâtrale et théâtralisante de Jonathan Meese qui se plaît à se mettre en scène dans son éternel survêtement Adidas noir aux trois lignes blanches, qui se joue de l’art de la performance en créant des coups d’éclat, en détournant le procédé désormais institutionnel sous forme politique et contestataire.
Ses collaborations scénographiques aux spectacles de son ami Frank Castorf — dont la dernière en date est Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg présenté à Chaillot l’année dernière — sont tout aussi audacieuses.
Jonathan Meese avait réalisé de gigantesques panneaux aux couleurs brutales, dégoulinantes et dérangeantes, rappelant les plus belles pages d’Artaud sur la défécation et la haine de toute entrave.
Les peintures de cette série sont faites d’une matière épaisse, disposée à même le tube : noir, doré, rouge, rose… Ils font irrésistiblement penser aux toiles les plus fortes de Karel Appel. On y voit le même souffle de mise en matière et en couleur du monde et de la vie que chez Picasso : son Saint-Just est volontairement abstrait, seuls un œil, une oreille et une croix au cou se dégagent d’un chaos de matière et de couleur.
Les peintures de Jonathan Meese sont frénétiques, hystériques et prises dans une effervescence spontanée et «brute» — dégagées de tout apprentissage, de toute «culture», de toute «enculturation», pour reprendre le jeu de mots de Jean Dubuffet. C’est sur ce point précis que Jonathan Meese refuse de se laisser enfermer. Il est à l’image de ces bébés tueurs, bébés fous, pris de rage qui peuplent les légendes de ses œuvres : Napoléon Baby, Babysamourai évoquent le déchaînement passionnel d’un enfant assoiffé de sang, par simple désir de vivre, sans avoir jamais encore été «enculturé».
Les personnages du roman Le Comte de Monte Christo s’imposent par la peinture : on retrouve Louis XVIII, Fernand et bien entendu Edmond Dantès et le Château d’If.
Jonathan Meese simplifie l’histoire, la condense en images. Il semble que Monte Christo soit pour lui un symbole du justicier qui se venge (La Vengeance de Monte Christo), qui aime et que l’on aime tout à la fois (L’Amour de Monte Christo). Le héros populaire est comme la métaphore de l’artiste, anarchiste, expressif, tentant de « s’évader » de tous les Châteaux d’If et de toutes les prisons.
Jonathan Meese
— Elephant Man traümt von dir, 2007. Bronze. 59 x 54 x 45 cm
— Edmond Dantès, 2007. Acrylique sur papier. 70 x 50 cm
— Edmondantès, 2007. Acrylique sur papier. 70 x 50 cm
— Babysamourai Monte Chritozoz, 2007. Acrylique sur papier. 70 x 50 cm
— Marquis de Château d’If, 2007. Acrylique sur papier. 70 x 50 cm
— Fernand, 2007. Acrylique sur papier. 70 x 50 cm
— Toni Sam Samur Samyraiys – Monte Cristo, 2007. Acrylique et crayon sur papier. 70 x 50 cm
— Dr. NO, 2007. Acrylique et crayon sur papier. 70 x 50 cm