Présentation
Elsa Devienne, Andrew Diamond, Simon Hall, Pap Ndiaye, Pauline Peretz, Daniel Sabbagh, Stéphane Tonnelat
L’Amérique post-raciale?
L’élection et la réélection d’Obama pourraient laisser croire que la couleur de la peau ne pose plus problème dans un pays où la division Noirs/Blancs a toujours été déterminante.
Le mouvement des droits civiques et les politiques d’affirmative action auraient-ils définitivement triomphé? L’Amérique est-elle devenue indifférente à la couleur de la peau?
En réalité, la race reste au cœur des rapports sociaux et économiques, dans une Amérique encore profondément inégalitaire. Dans les villes, les entreprises, les universités ou encore les prisons, le fait d’être Noir, Latino, Asiatique ou Blanc constitue un fait incontournable.
Catégorie socialement construite, la race demeure un concept mouvant, héritage de l’esclavage et des vagues d’immigration successives, reflet des défis qui attendent l’Amérique du XXIe siècle.
« »Un moment magique et transformateur »: tels sont les mots utilisés par l’intellectuel afro-américain Henry Louis Gates pour qualifier l’élection à la tête des Etats-Unis de Barack Obama. Son élection, davantage que sa réélection d’ailleurs, a pu être comprise comme le signe que la division raciale Noirs/Blancs, structurante pour l’histoire américaine depuis l’institution de l’esclavage, avait disparu. Que l’historique color line n’existait plus ni dans les faits ni dans les esprits. On a dit aussi que la race n’était plus un prisme pertinent pour analyser la société américaine.
Pourtant les faits résistent: par delà le discrédit des discours racistes, le démantèlement de la ségrégation raciale et l’incontestable conquête de l’égalité juridique, les expériences noires et blanches demeurent incommensurables. La couleur de la peau reste un élément déterminant de la distribution des biens entre Noirs et Blancs, des chances de succès, du taux d’incarcération, de la criminalité, de la santé, du lieu de résidence ou encore du montant des allocations perçues. Et dans le domaine des représentations, des stéréotypes culturalo-racistes, associant identité noire et comportements dysfonctionnels persistent encore.
L’Amérique peut-elle donc vraiment se débarrasser d’un concept qui a si profondément structuré son histoire, et clamer son post-racialisme?»
Pauline Peretz, Extrait de l’introduction.
Sommaire
— Pauline Peretz, Introduction
— La lutte pour l’égalité au XXe siècle:
Pap Ndiaye, Frères militants
Simon Hall, Freedom Summer, 1964. Naissance d’une génération d’activistes
— La race, clé des rapports sociaux
Daniel Sabbagh, La construction de l’identité raciale aux États-Unis
Elsa Devienne, Jeunesse, virilité et blancheur à Chicago
Pauline Peretz, Race et santé dans l’Amérique contemporaine. Entretien avec Alondra Nelson
— L’Amérique d’Obama
Andrew J. Diamond, Indifférence à la couleur de peau et politique raciale à l’ère d’Obama
Stéphane Tonnelat, L’Amérique, modèle de civilité?
Pauline Peretz est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Nantes, chercheuse au Centre d’études nord-américaines (EHESS) et a publié récemment: New York, histoire, promenades (Robert Laffont, 2009) et Le Dossier secret de l’Affaire Dreyfus (Alma, 2012, en collaboration).