ART | CRITIQUE

Laloli

PSarah Ihler-Meyer
@16 Sep 2010

Avec «Laloli», Claude Closky signe une exposition franchement Dada. Des peintures et des collages présentent des phrases et des mots dissolus en syllabes, en lettres et en sons pour composer des borborygmes à entendre et à regarder.

«Xu», «Habala», «Laloluli», «Holobo», autant de babillages qui court-circuitent le frayage d’un sens à la surface des peintures et des collages de Claude Closky. Peintes sur de grandes toiles colorées ou découpées dans des journaux puis collées sur des feuilles de papier blanc, les lettres et les syllabes qui composent ces borborygmes ne s’imposent pas comme des vecteurs de significations mais comme des sons et des formes à apprécier en eux-mêmes : le signifié (le concept) est éclipsé au profit du seul signifiant (le support matériel); il s’agit moins de déchiffrer un sens que de contempler le pur jeu des couleurs, des arabesques, des lignes et des sons.

Dada n’est pas loin. A l’encontre de la peinture académique, qui fait de la toile la surface d’inscription d’un récit, les dadaïstes décomposent dès le début du XXe siècle le langage en purs éléments sonores évacués de tout sens et de toute représentation.
Dans leurs photomontages, les mots valent moins pour leurs référents que pour leurs aspects visuels: «Nous avons maintenant fait tellement évoluer la plasticité du mot qu’il sera difficile d’aller encore plus loin. Nous avons obtenu ce résultat au prix de l’abandon de la construction logique et relationnelle de la phrase» (Hugo Ball).

Avec ses petites ritournelles, «Mimoma», «Didida», «Bibubo», Claude Closky réitère plus de 90 ans après les dadaïstes cette même démarche, à savoir la permutation des mots en images, des signifiés en purs signifiants. Procédure à proprement parler esthétique, laquelle consiste, selon une acception classique, à soustraire les objets à leurs significations pour ne plus s’intéresser qu’à leurs propriétés formelles. Mais aussi objectivation du caractère essentiel de l’art, à savoir son aptitude à interrompre l’énonciation d’une phrase, à suspendre l’opération du langage pour cause d’indicible.

Aussi pouvons-nous nous demander si Claude Closky ne participe pas de ce que le réalisateur britannique Ben Lewis nomme la «phase finale du modernisme» (1990-2010). A l’image de ce que fut le Rococo pour le Classicisme, cette phase ne serait que la simple répétition parodique et désabusée du modernisme: «On assiste davantage à l’exagération et à la multiplication qu’à une quelconque évolution. Tout un arsenal de concepts naguères nouveaux, de procédés, de techniques et de thèmes artistiques se réduit à un catalogue de formules, de citations ou de paraphrases, qui finissent par prendre des allures d’autoparodie» (Ben Lewis).

Si les œuvres de Claude Closky peuvent être qualifiées de parodiques, c’est parce que, chez les dadaïstes, le choc entre la signification des mots et leur matérialité devait produire un sens sensible, «la vibration de l’énergie créatrice du monde» (Philippe Sers) et non la simple absence de sens conceptuel, ce qu’on appelle aussi la vacuité.

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