Silvana Reggiardo
L’air ou l’optique
Silvana Reggiardo définit sa «relation à la photographie comme relevant d’une expérience: expérience de la marche, expérience de l’espace, expérience visuelle, expérience instrumentée».
Pour L’air ou l’optique, Silvana Reggiardo suit un minutieux protocole en faisant tout d’abord abstraction de la fenêtre, en (re)cadrant de façon à supprimer la profondeur, à écraser les quelques éléments derrière les surfaces de verre. Ceci permet de restituer la matérialité, proche du pictural, de la surface de la vitre où affleurent différentes textures chacune s’y étant posée à leur propre vitesse.
Les cadrages sont justement choisis pour leurs qualités picturales propres (surface, texture, couleur, etc.). Ils créent l’espace nécessaire pour révéler la fragilité et la richesse de la surface sensible. Les formats, retenus selon le cadrage, ne sont pas de grandes tailles comme pour mieux rendre compte d’une condensation et permettre une observation plus intime. L’air ou l’optique invite à la concentration.
C’est ainsi que l’image apparaît.
Il pourrait s’agir d’images abstraites, d’images de peinture. En effet, Silvana Reggiardo a débarrassé ses photos de leur identité première pour devenir des images mentales. Toute évocation naturaliste évidente a disparu au profit d’abstractions volontairement énigmatiques. La matière, des divers éléments s’étant posés sur la vitre, remonte en surface. La lumière s’y accroche, s’y faufile, s’y glisse, traverse ou se heurte à la surface. Avec L’air ou l’optique Silvana Reggiardo explore sur une surface en verre des variations de la lumière. Cette dernière, source de la photographie, agit d’autant plus comme un révélateur. Elle permet la vision. C’est ainsi que l’artiste souligne la matérialité de la photographie dans sa fonction première, celle d’enregistrer la lumière. La photographie n’est pas un instrument pour Silvana Reggiardo mais bien une finalité.
Une mise en abyme nous est proposée. Le fait de photographier des projections sur une surface en verre nous rappelle naturellement les surfaces sensibles des appareils photos argentiques enregistrant la lumière émise par la scène à photographier.
Tant par le sujet que par son traitement Silvana Reggiardo nous oblige à dépasser toute lecture conformiste ou convenue du regard. Une nouvelle lecture de l’image est établie. Ce qui nous est donné à voir est le résultat d’une expérience de la part de la photographe comme du regardeur. Il s’agit donc moins de morceaux de ciel que de l’extraction d’images à caractère conceptuel.
«L’air ou l’optique» devient ainsi le lieu de l’expérience.