Communiqué de presse
Évariste Richer
L’Adorable leurre
Tout l’art de cet artiste consiste donc à repérer dans notre monde certains événements qu’il réorganise, transforme, retourne. Ces légers déplacements prennent toute leur signification dans l’espace d’exposition où ils sont soudain mis en relation les uns avec les autres tout en s’interrogeant sur la nature même de leur mode de présentation. On l’aura compris, Evariste Richer refuse l’autorité de l’oeuvre.
L’oeuvre n’est là que pour indiquer aux spectateurs quelques pistes, quelques ouvertures, quelques possibilités d’interprétations. Pour autant, chacune ses interventions peut également se mesurer à l’aune de notre société de consommation. Il y a dans la pratique de cet artiste une dimension véritablement politique en ce sens qu’il ne cesse de pourfendre avec subtilité un ordre de vision qui nous est imposé avec de plus en plus de force. Ses oeuvres jouent donc avec tous les langages, tous les lieux communs propres à la communication sociale tout en intégrant aussi des formes plus anciennes de présentation du savoir et de la connaissance.
Pour ces raisons, certaines procédures que cet artiste met en place ne sont pas sans évoquer les manières dont les savoirs s’organisaient au XIXe siècle. Mais cette mise à distance ne se veut pas constat amer et ironique sur notre univers. Au contraire, les disjonctions qu’il fabrique tentent systématiquement d’éprouver les conditions d’un ré-enchantement de notre monde. Chacune de ses expositions – et celle au Transpalette ne fait pas exception à la règle – se construit donc à partir de l’idée que la déambulation du visiteur lui permet de recomposer un paysage mental, paysage qui fonctionne à la fois sur les souvenirs de chacun, sur sa relation distante avec la réalité, sur sa perception de l’espace…
L’Adorable leurre, titre choisi pour cette exposition, souligne le déplacement ici à l’oeuvre. Avec la vision comme thème implicite, « L’adorable leurre » propose un parcours qui s’énonce comme une histoire mais dénuée de narration, une histoire sans début ni fin, sans opposition claire entre fiction et réalité. Ainsi « Casse Tête » (2009) se présente au rez-de-chaussée comme l’agrandissement d’un casse tête chinois. Mais au lieu de simplement monumentaliser l’objet, il fait ici deux mètres de côté, l’artiste lui fait subir un simple agrandissement anthropomorphique. L’étonnement devant ce cube qui soudain anime l’espace, le creuse et l’interroge se retrouve par la suite avec « Stella » (2009), pièce posée contre le mur et composée de perches, destinées au performance du saut à la perche, formant une étoile à cinq branches en équilibre précaire.