Raphaël Zarka
L’Abbé Nollet
Le centre d’art contemporain de la ville de Chelles accueille l’exposition « L’Abbé Nollet », réalisée par Raphaël Zarka avec la participation d’Éric Antoine, du 12 avril au 7 juin 2009. Exposé à de nombreuses reprises en France et à l’étranger, son travail a reçu le prix de la Fondation d’Entreprise Paul Ricard 2008.
Interpellé par la spécificité du centre d’art occupant deux églises « siamoises », Raphaël Zarka a trouvé dans ce contexte un écho naturel à la notion du double et de la réplique qui jalonne son travail. Il prolonge ici cette problématique en maniant déplacements et rapprochements, à l’image du titre de l’exposition pour lequel il joue des mots comme il joue des formes.
L’Abbé Nollet, physicien du XVIIIe siècle plus célèbre pour ses cours de vulgarisation scientifique que pour son titre religieux, n’est pas corrélé à l’histoire des églises. Le titre exprime tout au plus un « air de famille », les bases d’un dialogue possible – autre sens que recouvre la notion de réplique – entre ce site et le contexte de vie de Jean Antoine Nollet.
D’où provient donc cette analogie entre ce chercheur et l’exposition ? Ayant fait siens les propos de Borges selon lesquels l’artiste n’invente rien, Zarka ne considère pas ce postulat comme une fatalité paralysante puisqu’il lui offre la possibilité de puiser dans les choses qui l’entourent et lui préexistent.
Animé d’une curiosité insatiable, il se présente volontiers sous les traits d’un artiste collectionneur explorant des domaines variés. Pour l’exposition, il aborde l’univers du skateboard, qu’il pratique en amateur et pense en théoricien : sa pratique artistique est imprégnée par cette culture de la glisse en milieu urbain, qui forge chez ses adeptes une appréhension visuelle et physique particulière des espaces, des volumes et des matériaux.
Doit-on percevoir la transition du skateboard à l’Abbé Nollet comme un saut périlleux ? L’artiste associe sport de glisse et sciences de la physique car ces disciplines expérimentent les lois régissant les déplacements des corps dans l’espace. L’agrandissement d’une photographie d’Éric Antoine représentant Mike Barker en backside smith grind sur une sculpture de Kowalski à la Défense (1989) renforce ce lien.
Frappé par des similitudes de forme et de mécanisme, Zarka établit des connexions entre le skateur s’élançant sur cette oeuvre d’art public et un appareil d’expérimentation de la gravité conçu par Nollet : un bicône remontant le long d’un double pan incliné.
Le mouvement suggéré par l’image et la sculpture sous-tend également la troisième pièce exposée. Deux motos soudée « tête-bêche » et reliées par un cadre métallique forment en effet un véhicule surprenant, suggérant des trajectoires opposées.
Zarka reproduit ici une draisine élaborée pour voyager sur la voie de l’Aérotrain de l’ingénieur Bertin. La réplique de l’engin laisse en suspend le déplacement physique pour s’ouvrir au déplacement temporel et mental. Son travail propose des interprétations d’objets originaux qu’il transfère vers d’autres contextes via ses choix de matières et de dimensions.
Ce système de duplication vient s’ajouter à la dualité du véhicule, des volumes, des images et des espaces investis. Le double crée un décalage, une ouverture de sens par laquelle Zarka, sous l’abstraction objective apparente de ces formes, offre ses collections, associations et reprises comme autant d’incitations aux spéculations fictives.