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La Vue

Inspirée d’un poème de Raymond Roussel, La Vue de Géraud Soulhiol, Å“uvre qui donne son nom à l’exposition, se compose d’une série de sous-tasses à café en porcelaine, aux motifs décoratifs concrets et abstraits. Accrochées aux murs, elles forment une constellation autour d’une installation vidéo, d’un photomontage et de dessins. Ces Å“uvres représentant des paysages, réels ou imaginaires, illustrent deux thèmes de recherche de l’artiste: les «territoires fantasmés» découlent d’une réflexion sur Google Earth, tandis que les «univers flottants» proposent des espaces illusoires dont les motifs sont soustraits à leurs référents réels.

Invité à feuilleter le livre de Raymond Roussel, le visiteur découvre son poème intitulé La Vue. Le poète se décrit collant son Å“il contre la boule de verre de son porte-plume pour observer la photographie d’un paysage de plage qui y est incrustée. Cette vue photographique lui fournit alors l’occasion d’évoquer un décor qui peut être enrichi de scènes imaginaires. Cette manière de faire la description détaillée d’un objet d’art dans une prose poétique est le principe même de l’ekphrasis, cet exercice rhétorique antique qui est le lieu où le langage rivalise avec les autres arts.

Dans l’Å“uvre de Géraud Soulhiol intitulée pareillement La Vue, ce n’est pas une photographie qui sert d’appui à la création, mais des sous-tasses aux décorations désuètes (navire, tour Eiffel, La Tour de Babel de Bruegel…). L’écho au poème réside plutôt dans les motifs vagues réalisés avec du café soluble qui se cristallise sur la porcelaine, telle l’encre rouge qui «a fait des taches, comme en sang» sur la photographie. Les motifs concrets sont confrontés à des formes abstraites, l’Å“uvre témoignant ainsi d’une dislocation entre le réel et l’imaginaire.

Utilisant Google Earth sous la forme d’une installation vidéo, Le Hublot #1 constitue une sorte d’introduction aux territoires imaginaires de Géraud Souhliol. À travers le cercle évidé d’un cache noir qui évoque le hublot d’un satellite, on observe les images numérisées d’une vue aérienne du monde qui défilent sur un écran. On a ainsi l’impression de regarder la surface de la Terre à la loupe, afin de discerner des détails qui restent flous. Offrant la possibilité d’un nouveau point de vue, le logiciel provoque un basculement de l’expérience même de l’image, sur laquelle s’enracinent les rêveries de Géraud Soulhiol dont sont issus ses «territoires fantasmés» et «univers flottants».

Survol 1 (paysage Eiffel) représente un territoire semi-urbain aux contours sinueux, habité de tours Eiffel qui semblent disposées comme des pièces sur un échiquier. Ce dessin est aussi précis qu’une carte. Territoire des stades, réalisé selon un photomontage Google Earth, est le pendant d’une autre époque. Les constructions olympiques pullulantes envahissent l’espace naturel et témoignent d’une urbanisation à outrance. Ces zones fantasmées mises en regard, le phénomène de prolifération de l’objet architectural moderne s’intensifiant, manifestent la volonté de puissance de l’homme sur la nature.

Les objets des «univers flottants» sont quant à eux soustraits à leurs référents réels, dessinés sur fond blanc. L’attraction foraine des Grandes Montagnes russes a l’envergure d’une monumentale circonvolution aux rails brisés. Le diptyque, Bosquet 5 représente, à gauche, un entrelacs de lignes électriques reliées par des poteaux, alors que des souches d’arbres clairsemées ont été tronçonnées. À droite, les arbres aux feuillages touffus servent désormais de poteaux électriques quand les piliers gisent fracassés. Dans cette bataille de l’homme et de la nature, celle-ci qui a été dévastée reprend ses droits sans pour autant détruire l’échafaudage humain, l’Å“uvre suggère une harmonie possible…

Ces visions de Géraud Soulhiol sollicitent notre regard entre le besoin de prendre du recul pour appréhender la forme dans sa totalité, et l’envie de s’approcher pour voir au plus près les détails. Inspiré par le point de vue aérien et l’effet zoom de Google Earth, l’artiste se fait démiurge. Ses représentations de paysages sont loin de susciter un sentiment du sublime par leur immensité. Agencés minutieusement, ses territoires imaginaires sollicitent plutôt le désir d’en scruter les moindres interstices.

Oeuvres
— Géraud Soulhiol, Grandes Montagnes russes, 2012. Porte-mine 0,3B sur Canson blanc, 60 x 47 cm.
— Géraud Soulhiol, Survol 1 (territoire Eiffel), 2013. Porte-mine 0,3B sur Canson blanc, 30 x 30 cm.
— Géraud Soulhiol, Bosquet 5 (diptyque), 2013. Porte-mine 0,3B sur Canson blanc, 40 x 40 cm.
— Géraud Soulhiol, Territoire des stades, 2013. Photomontage Google Earth (tirage sur papier glossy avec plastification mat, bois), 160 x 120 cm.
— Géraud Soulhiol, Le Hublot #1, 2013. Installation vidéo sur écran (cache noir sur un survol Google Earth dérivant).
— Géraud Soulhiol, La Vue (série de 26), 2013. Café soluble sur porcelaine, dimensions variables.

Publications
— Catalogues du festival Gamerz 07 et Gamerz 09 à Aix-en-Provence.
— Catalogue Play/Display, éd. galerie 22,48 m2.
— Contribution à Zawia «Change», magazine d’art et d’architecture alternative égyptien, présentation de l’œuvre «La Bataille».
— Catalogue du 56e Salon de Montrouge.

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