Communiqué de presse
Mathieu Rouget
La Terre n’est pas ronde…
En 1998, Mathieu Rouget réalise des sérigraphies d’images des champs de batailles de la guerre de 14-18 en utilisant comme support des sacs poubelles… Devoir de mémoire pour cet artiste qui adolescent découvre une photo, le «portrait» d’un soldat le visage recouvert d’un masque à gaz, celui de son arrière grand-père, ainsi qu’un journal écrit depuis les tranchées boueuses de cette guerre effroyable.
En résidence à Sarajevo en 2001, il réalise une vidéo, Base IV, ainsi qu’une série de photographies — témoignages d’une histoire encore présente — sur lesquelles il intervient graphiquement, mettant en lumière les fantômes qui hantent encore cette ville.
Avec Pour Maman, dessin filmé, l’artiste met en place un dispositif de «détournement d’intention»: une main dessine à la manière d’un enfant qui s’amuse sur une feuille de papier, un combat virtuel entre deux camps. Des chars, des petits avions s’affrontent sur le papier et à coups de crayons se lancent des projectiles. La saturation progressive de la feuille laissera apparaître au centre, un cœur, puis deux mots : «Pour Maman».
«La Terre n’est pas ronde» est la première partie d’une série de photographies réalisées depuis 2004. Mathieu Rouget se pose la question du cadre, de la «fenêtre» ouverte sur un monde cette fois-ci reconstitué par ses soins, avec ses figures imposées, sa géométrie. Les paysages sont libérés des tumultes de l’histoire, de la cité et témoignent aujourd’hui d’une insolente sérénité que dégagent ces perspectives revues et corrigées «au carré» d’une plage, d’un champ, ponctuées parfois de silhouettes légères, comme en apesanteur, à la Buster Keaton, préservant leurs grâces dans un monde un peu trop carré et qui ne tourne peut-être pas si rond…
«Dans l’œuvre de Mathieu Rouget, des rectangles de films plastiques découpés dans des sacs poubelles font office de support à une sérigraphie. Les images appliquées à cette matière peu conventionnelle sont tirées du registre guerrier. Le rapport support-image ne semble pas pour autant incongru ; une fascination s’exerce alors, celle d’un rapprochement qui tient de l’évidence lorsque l’on met les mots dessus. Une vision donne sens à cette construction plastique : ces sacs poubelles sont ceux enfouis dans les décharges comme les cadavres à moitié ensevelis des champs de bataille de la grande guerre. La terre, élément déterminant néanmoins sous-jacent, se décèle en de nombreux points de l’histoire du conflit et de l’œuvre de l’artiste.»
Raphaël Olbert
Un regard sur la grande guerre, (éd. L’Harmattan), 2001.