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La Société du mépris de soi

François Chevallier propose une réflexion faisant apparaître l’art comme un véritable outil anthropologique –le révélateur involontaire donc impartial de la santé morale d’une société.

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Présentation
François Chevallier
La Société du mépris de soi. De L’Urinoir de Duchamp aux suicidés de France Télécom

Voici un texte vif, intelligent, précis et radical dont le projet est de montrer comment l’art moderne, depuis Duchamp jusqu’à Buren, a progressivement abandonné ses prérogatives intemporelles (élever l’homme au-dessus de lui-même, transmettre une «flamme de vie» y compris par la représentation de la mort ou de la souffrance) pour épouser le désespoir, la négativité, la passivité, l’autodénigrement plaintif et l’égocentrisme dans lesquels l’organisation économique des sociétés a plongé l’individu contemporain.

L’artiste ne s’offre plus au monde en un geste héroïque et puissant (à l’image de Rothko, Morandi, Kieffer, Schnabel, Neto, et avant eux Bacon, Picasso, De Kooning, Pollock.) Auto fétichisation, culte de soi, prétention pédagogique, exhibitionnisme: les «performers» éclipsent les artistes sur la scène du spectacle culturel. Les readymade, puis les installations diverses «désubjectivent» l’art, l’expurgent de toute humanité, et renvoient chacun à sa solitude, à son angoisse existentielle, à son dépit d’enfant insatisfait.

Les labyrinthes de Buren en sont un exemple édifiant, proposant à l’ego occidental une promenade sans danger à l’intérieur de lui-même, dans une prison indolore et sécurisante. L’art contemporain (du moins cette part fortement célébrée) exige la mise en oeuvre d’éléments entièrement contrôlables par l’intellect: c’est le refus de la vie, du risque, de l’aventure, de l’art que Duchamp avait le premier affirmé.

Le discours révolutionnaire des avant-gardes masque ainsi une paradoxale frilosité pleurnicharde et lugubre, dont l’auteur fait la démonstration en explorant également le domaine du cinéma, et c’est peut-être la partie la plus intéressante du livre, car plus inusitée.
La production de la Nouvelle Vague est analysée avec une verve féroce, y compris les saintes icônes que sont Resnais, Truffaut, Rohmer ou Rivette, jusqu’à Desplechin aujourd’hui: les «avant-gardes» successives, depuis le siècle dernier jusqu’à nos jours, ont prospéré sur le fond de commerce du mal-être et de l’autovictimisation, soit le contraire de la générosité et de la vitalité qui sont le propre de l’art.

Pour finir, l’auteur élargit encore son propos à l’ensemble de la vie sociale, montrant comment les mécanismes illustrés par l’art contemporain sont à l’oeuvre, notamment, dans le monde du travail.

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