Pour sa première exposition personnelle en France, Evariste Richer conçu des jeux de lumières et de regards qui mettent les œuvres en relation les unes avec les autres. Dans la première salle, Eclipse et Ellipse, d’immenses réflecteurs projettent la lumière qu’ils réfractent sur les autres œuvres de manière très fine et subtile.
Dans la seconde salle, Pôle Nord et Pôle Sud figurent deux globes oculaires qui observent le spectateur pendant qu’il regarde la vidéo Placebo. Une interaction se crée entre le regard du spectateur, le regard du perroquet et celui, plus énigmatique car ils paraissent aveugles, des globes blancs.
Evariste Richer construit une exposition qui récuse la tradition de la contemplation, qui récuse l’exposition frontale des œuvres.
Night Snow et Day Snow, les deux oeuvres constituant l’ensemble Slow Snow sont d’ailleurs exposées dans le couloir d’entrée, l’une sur l’autre. Elles se chevauchent et une partie de celle placée à l’arrière se dérobe au regard.
Pour cette pièce, Evariste Richer a reproduit la grille d’Hermann, découverte il y a plus d’un siècle. Cette grille composée de lignes qui se croisent perpendiculairement, noires sur un fond blanc ou blanches sur un fond noir, produisent une illusion d’optique qui fait apparaître des points noirs ou blancs au croisement des lignes.
Il s’agit selon l’artiste de la rencontre de deux plans séquence à la tombée du jour. Devant cette pièce à l’approche poétique, il ne s’agit pas de regarder le motif, car sa rigueur se trouble quand on l’observe de manière attentive.
La grille est un motif récurrent chez Evariste Richer, dont la démarche artistique tend à un épuisement du sujet. Il la décrit comme un procédé utilisé par l’homme pour maîtriser le monde, avoir une main mise sur lui. Evariste Richer parle de faire «l’autopsie des choses», pour aller chercher de manière presque géologique les différentes couches de signification. Pour Evariste Richer, qui poursuit la métaphore géologique, les œuvres sont constituées de plusieurs couches qu’il faut explorer patiemment, elles se révèlent avec le temps. Il déclare: «Il faut se pencher sur mon travail».
Faire le tour, aller au fond des choses, sont des expressions qui s’adaptent idéalement à la démarche d’Evariste Richer, pour qui un travail artistique devient une œuvre d’art grâce au dépassement de son sujet, grâce à son épuisement.
L’épuisement est également au cœur du Lingot mort, un lingot dans lequel est insérée une bille de plomb. A terme, le plomb attaque l’or et empoisonne l’œuvre. Cette pièce met en abyme la dégénérescence spéculaire dont l’un des symptômes est une «tâche dans l’œil».
Récuser la contemplation peut paraître paradoxal pour une exposition qui s’intitule «La Rétine». Le titre a été trouvé après que la dernière touche a été apportée à la conception des pièces. Evariste Richer interroge la perception et place devant les yeux des spectateurs des œuvres qui proposent des expériences visuelles qui existent dans le monde réel mais à côté desquelles nous passons par manque d’attention.
Les œuvres s’offrent au regard sans ostentation, ce qui invite le spectateur à flâner au gré du parcours et à se laisser capter voire captiver au hasard de sa rencontre avec les oeuvres.
Evariste Richer déclare: «J’offre au regard, c’est tout ce qu’on peut faire». L’artiste considère que procéder autrement relève de la publicité, d’une aliénation du spectateur. Aliénation qu’il met en quelque sorte en abyme dans son œuvre Les Equivalents, dans laquelle sont collées face contre le mur des affiches 4 x 3, ce format d’affiches que l’on croise tous les jours.
Offrir au regard c’est aussi simplement faire confiance au spectateur pour toujours voir quelque chose dans les œuvres, que ce quelque chose ait été voulu ou non voulu par l’artiste.
Evariste Richer
— Pole Nord et Pôle Sud, 2007. 33 tours, aimants.
— Placebo, 2007. Vidéo. 4 minutes.
— Équivalents, 2007. Affiches. 4 x 3 m.
— Eclipse, 2007. Réflecteur en tissu. Diamètre 3 m.
— Slow Snow, 2007. Toiles. 200 x 300 x 5 cm.