Premier artiste du projet «Monumenta» en 2007, Anselm Kiefer a réussi la même année à redonner le goût de l’art contemporain au Musée du Louvre. En effet, lorsque ce dernier lui commande trois peintures monumentales pour les installer dans ses murs de manière pérenne, il renoue avec une tradition qu’il a délaissée depuis cinquante ans!
Aujourd’hui, c’est au Collège de France qu’Anselm Kiefer donne une leçon d’art contemporain. Nouveau titulaire de la chaire de création artistique, il succède à Jacques Nichet, homme de théâtre et de cinéma, et à Christian de Portzamparc, architecte.
Pour l’artiste allemand, créer après l’Holocauste est une vraie question. Né en 1945, il fait en effet partie de cette génération qui n’a pas vécu personnellement le trauma de la seconde guerre mondiale mais le porte inéluctablement en elle. «Théâtre de la mémoire», pour reprendre l’expression de Daniel Arasse, son œuvre est une tentative de retrouver et d’intérioriser le passé enfoui de la culture allemande. «Ma pensée est verticale, et l’un des plans était le fascisme. Mais je vois toutes les couches. Dans mes tableaux, je raconte des histoires pour montrer ce qui est derrière l’histoire. Je fais un trou et je traverse», affirme l’artiste.
Erudite, son œuvre est parcourue de références à tous les champs de la connaissance, notamment la philosophie (Nietzsche), la littérature (Genet), la poésie (Paul Celan, Ingeborg Bachmann), l’histoire, la politique et les sciences. Spirituelle, elle se teinte d’allusions à la Kabbale, à la religion juive et aux mythologies.
Pour son cycle d’enseignement au Collège de France, l’artiste a justement choisi d’étudier les motifs, les artistes et les questions existentielles qui traversent sa pratique. Consacré à l’analyse d’un poème de Rimbaud, le premier cours envisagera la question de la transformation de l’œuvre avec le temps et la notion d’illusion. Les cours suivants aborderont d’autres interrogations philosophiques: «L’art peut-il être conciliable avec la vie?», «L’art et la notion d’évolution», «La finitude du tableau». A chaque séminaire, un invité différent viendra donner la réplique à l’artiste. Olivier Kaeppelin, Daniel Buren, Germano Celant et Roland Recht sont quelques uns d’entre eux.
Enfin, comme cerise sur le gâteau, l’artiste fera découvrir son processus de travail en organisant deux cours dans ses ateliers: l’un à Croissy dans l’est parisien, l’autre à Barjac dans le Gard. C’est dans ce dernier que l’artiste a construit «maisons», tunnels et ponts afin de relier entre eux ses différents travaux. Œuvre d’art totale, ce lieu extraordinaire atteint une dimension cosmique, à la mesure de la quête de son auteur.
Notez que l’ensemble des cours sera filmé et diffusé en léger différé sur le site internet du Collège de France.