Héctor Zamora
La réalité et autres tromperies
Aux confins de la sculpture et de l’architecture, l’artiste mexicain Héctor Zamora transcende l’espace d’exposition conventionnel, le redéfinit et le réinvente sans cesse, générant une friction entre l’espace privé et public, l’extérieur et l’intérieur, l’organique et le géométrique, le sauvage et le méthodique, le réel et l’imaginaire.
Empruntant au vocabulaire et aux techniques de l’architecture, Héctor Zamora fait usage de matériaux simples, pauvres, tels que les tôles, les briques, les bâches plastiques, les pneus, les bidons, des éléments tels que les caravanes, les cabanes et les auvents — autant d’éléments récurrents des habitats de fortune que l’on retrouve aux abords des villes en Amérique Latine ou en Europe — pour réaliser des structures légères et éphémères, organiques, qui entrent en résonance avec les lieux dans lesquels elles sont inscrites.
Méticuleux, toujours attentif au contexte dans lequel il s’insère, à son histoire, à sa configuration, à son organisation sociale et politique, Héctor Zamora en appelle à la participation du spectateur et questionne l’usage quotidien des lieux dans lesquels nous vivons, cherche sans cesse à les subvertir, à les mettre en lumière voire à en modifier le fonctionnement. En fin tacticien, il joue avec les possibilités, les contraintes et les failles de l’institution afin de ménager des espaces de liberté en acte, de générer des réactions.
En 2004, avec Paracaidista, Héctor Zamora ajoutait ainsi le long de la façade du centre d’art Carrillo Gil de Mexico une structure parasitaire, dans laquelle il s’installa le temps de l’exposition. En 2007, il appliquait un miroir double face à la vitrine du Musée d’art contemporain de San Diego, renvoyant visiteurs et passants à leur propre image. En 2009, il remplissait jusqu’à ras-bord deux appartements du centre-ville de Bogota de 14 tonnes de bananes plantains, dont les façades vitrées donnèrent à voir au passant durant 20 jours la dégradation des fruits du vert au noir. La même année, il imaginait avec Sciame di Dirigibili une grande manifestation de zeppelins multicolores dans le ciel de Venise, largement publicisée par voie d’affiches. L’un de ceux-ci se retrouvait, suite à un incident inexpliqué, pris dans l’enceinte de l’Arsenale, entravant le passage des visiteurs de la Biennale.
A l’occasion de son exposition personnelle, Héctor Zamora investit la grande salle du Frac des Pays de la Loire en y installant 17 caravanes (autant qu’il était possible d’en mettre) dont les ouvertures ont été obstruées par des planches de bois, formant un campement labyrinthique et oppressant à travers lequel les visiteurs sont invités à se frayer un chemin, avec pour seul horizon la prochaine caravane.
Héctor Zamora, provoque ainsi une rupture entre le trop-plein de l’espace d’exposition et le vide de la prairie autour du Frac, désamorce la distance qui prévaut habituellement vis-à -vis des œuvres d’art tout en obstruant le regard, provoque chez le visiteur une sensation de désorientation et de suffocation. Ce faisant, il relaie à sa manière une actualité française dure et tenace, celle d’occupations et d’expulsions quotidiennes, celle de vies réduites à l’errance, fugitives à nos regards.
Héctor Zamora présente également quatre vidéos récentes.
En juillet, le public nantais pourra par ailleurs admirer aux Galeries Lafayette Brasil, bicyclette délirante sur laquelle repose en équilibre précaire un mur de briques, l’un des matériaux fétiches de Héctor Zamora, en même temps que l’élément de base de l’architecture locale. L’œuvre est autant un hommage au sens de l’équilibre des maçons brésiliens qu’une métaphore de la fragile construction que constitue le Brésil.
Julien Zerbone