Gabriel Desplanque, Lee Jae-Myung, Laurent Perbos et Xiang Li-Qing
La Promenade
«Un matin, l’envie me prenant de faire une promenade, je mis le chapeau sur la tête et, en courant, quittai le cabinet de travail ou de fantasmagorie pour dévaler l’escalier et me précipiter dans la rue. Le monde matinal qui s’étalait devant moi me parut si beau que j’eus le sentiment de le voir pour la première fois.»
Robert Walser, La promenade
Tout commence sous un soleil franc, par un tour dans la forêt suggérée par la vibration joyeuse des arbres et souches de Laurent Perbos. Les couleurs vives et la clarté de l’air sous les ramures encouragent à marcher d’un bon pas. On céderait volontiers à l’enchantement et pour peu, on célébrerait béatement la fréquence sublime de l’accord universel. Mais gare au faux pas, voilà qu’on manque de trébucher sur des pierres aux arêtes acérées. Elles jonchent le sol par groupes dessinant des motifs obscurs, à l’allure extra-terrestre. Comme tombées du ciel ou extraites par Xiang Li-Qing des profondeurs archéologiques d’une hypothétique cité lacustre, elles semblent porter l’écho d’un culte aujourd’hui oublié, ordonné par des lettrés à la réserve exemplaire.
Soudain, un orage de mai éclate et dans un fracas réjouissant les gouttes et grêlons s’abattent sur le promeneur désemparé qui aspire désormais au confort douillet dispensé par la civilisation, en échange de quelques compromissions plus ou moins douloureuses.
De la forêt à la ville, fort heureusement, il n’y a qu’un coup d’œil. La ville qu’évoquent les toiles de Lee Jae-Myung est imposante et froide, mais pleine de couleurs vives et attirantes. Elle exige de ses habitants, visiteurs, ou des promeneurs qui la parcourent incidemment, une disposition au jeu et à la rêverie poétique. Chacun choisit le tempo qui lui sied et entame une chorégraphie personnelle, dont la légèreté irradie les maisons et immeubles, à leur tour gagné par une soudaine insouciance.
Il arrive souvent qu’au cours d’une promenade on croise d’autres promeneurs.
L’un d’entre eux, Gabriel Desplanque, a tracé des lignes imaginaires entre un zoo, une chambre verte, la voûte céleste et d’autres points aux coordonnées inconnues.
Faisant écho à la modestie poétique que vénérait Walser, sa promenade sourit de sa propre précarité. La carte qu’il a dressée relate un parcours accidenté, naïf autant que terrible.
Mais le bouquet de fleurs cueillies en chemin, arrivera-t-il jusqu’à la table, ou sera-t-il enseveli dans la neige avec le promeneur?