Communiqué de presse
Marthe Wéry, Callum Innes, Georges Tony Stoll, Emmanuel Van der Meulen, Emanuele Becheri
La Pesanteur et la Grâce
Commissariat: Eric de Chassey
«De tous les récits justifiant la pratique de l’abstraction, celui qui y voit une manière de représenter l’irreprésentable, de circonscrire une dimension spirituelle invisible est l’un des plus prégnants.
L’exposition «La Pesanteur et la Grâce» rassemble des artistes qui ne se préoccupent nullement de cette représentation mais qui créent des œuvres induisant un état spirituel chez ceux qui les reçoivent.
Le caractère spiritualisant de leurs œuvres vient en particulier de ce que les images ainsi créées ne sont pas déterminées par avance (ce sont donc des images abstraites) mais naissent de la manipulation des matériaux bruts. Ou bien plutôt, elles sont le résultat final d’une situation où l’artiste s’est retiré, a abandonné ses savoir-faire, pour laisser aux matériaux eux-mêmes le premier rôle.
C’est ainsi que les tableaux monochromes de Marthe Wéry présentent des surfaces différenciées qui résultent des plongées successives d’un panneau dans des bains de couleur se déposant aléatoirement sur le support. Que les sculptures, dessins et photographies de Georges-Tony Stoll se tiennent au plus près du moment où la chair surgit et s’imprime en une image.
Que les tableaux de Callum Innes présentent une image non-figurative et irrégulière qui est le fantôme subsistant après que les couches épaisses qui recouvraient intégralement la surface ont été enlevées par dilution à la térébenthine, le tableau se faisant en se défaisant.
Que les tableaux d’Emmanuel Van der Meulen prennent l’apparence d’une structure géométrique mais sont composés de la juxtaposition de gestes picturaux simples, comme des souffles.
Que les œuvres d’Emanuele Becheri délèguent leur fabrication à des tiers – pesanteur du matériau lui-même, escargots lâchés sur une surface, possesseurs d’un objet qu’ils passent aux feux avant de le transmettre à l’artiste.
Si le titre de l’exposition est emprunté à un ouvrage de Simone Weil (en réalité à une collection posthume de ses notes), ce n’est pas parce que les artistes rassemblés se placent dans les pas de la pensée complexe de la philosophe, mais parce que leurs œuvres procèdent toutes, chacune selon ses modalités propres, de la conscience que la grâce ne s’atteint pas par une volonté héroïque mais par la soumission humble aux nécessités de la pesanteur. Pour le dire avec les mots de la philosophe: «Monter en abaissant. Il ne nous est peut-être donné de monter qu’ainsi.»
Aucun des artistes considérés ne veut représenter Dieu — quel que soit le sens que chacun, individuellement, peut donner à ce terme (leur position vont de l’athéisme revendiqué au catholicisme, en passant par l’agnosticisme) — ni même une expérience spirituelle spécifique. En ce sens, ils s’inscrivent pleinement dans la logique de l’abstraction comme non-représentation.
Mais leurs œuvres sont l’incarnation d’une expérience spirituelle spécifique, elles en sont les traces, les empreintes, et celui ou celle qui les regarde, s’imprègne par ses sens de cette expérience, la vit à son tour, à sa façon (puisque les œuvres ne sont pas des prescriptions mais des invitations). Les œuvres sont à l’image de l’expérience qui leur donne l’existence, notre regard est à l’image de ces œuvres: lorsqu’elles atteignent leur but, notre expérience est à l’image de l’expérience première.»
Vernissage
Jeudi 22 avril 2010. 18h30.