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La Mondialisation de la culture

Analyse synthétique d’un phénomène économique omnipotent : évolution historique, origine, réflexion théorique autour de ce système mondial, mais aussi études des différents secteurs culturels concernés, des politiques culturelles locales, jusqu’aux affirmations et revendications identitaires. Un tour de la question complet et explicite, étayé par de nombreux exemples.

— Éditeur : La Découverte, Paris
— Collection : Repères
— Année : 2003
— Format : 18 x 11 cm
— Illustrations : aucune
— Pages : 119
— Langue : français
— ISBN : 2-7071-3947-5
— Prix : 7,95 €

Introduction : le kaléidoscope moderne
par Jean-Pierre Warnier (extrait, p. 3 et 4)

On danse le tango argentin à Paris, le bikutsi camerounais à Dakar, la salsa cubaine à Los Angeles. McDo sert ses hamburgers à Pékin, et Canton sa cuisine à Soho. L’art zen du tir à l’arc bouleverse l’âme germanique. La baguette parisienne a conquis l’Afrique de l’Ouest. À Bombay, on voit le pape en mondovision. Les Philippins pleurent en direct les obsèques de la princesse de Galles.

L’expression de « mondialisation de la culture » désigne cette circulation de produits culturels à l’échelle du globe. Elle suscite des réactions contrastées. Les uns y déchiffrent les promesses d’une planète démocratique unifiée par une culture universelle — une planète réduite par les médias aux dimensions d’un « village global », comme le disait Marshall McLuhan. D’autres y voient la cause d’une inéluctable perte d’identité qu’ils déplorent. D’autres enfin militent pour affirmer leurs particularismes jusqu’à faire usage de la violence.

La rencontre de l’argent et des biens culturels sur le marché est au cœur de la polémique. Certains, comme José Bové et François Dufour [Le Monde n’est pas une marchandise, Paris : La Découverte; Syros, 2000] estiment que Le Monde n’est pas une marchandise. On peut en dire autant de la culture. Depuis 1998, plusieurs événements ont donné un relief particulier à ce débat : avril 1998, les mouvements antimondialisation font échouer l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI); juin 1999, ces mouvements troublent une réunion du G7 à Cologne; en novembre de la même année, ils contribuent à faire capoter le sommet de l’OMC à Seattle; février 2000, les manifestations contre le Forum économique de Davos prennent une ampleur inégalée et se retournent en juin et en septembre contre le FMI et la Banque mondiale; en janvier 2001, se tient le premier Forum social mondial à Porto Alegre (Brésil), qui réunit tous les mouvements, très divers et en provenance du monde entier, qui s’opposent à la mondialisation des flux marchands, financiers et culturels sous l’égide, à leurs yeux non démocratique, des instances internationales comme l’OMC; les manifestations s’amplifient en avril 2001 au Québec, en juin à Göteborg (Suède), et surtout en juillet à Gênes lors de la réunion du G8 (200 000 manifestants, des violences policières, un mort); enfin, le 11 septembre 2001, l’organisation Al Qaida s’en prend aux symboles de la puissance américaine (le Pentagone et le World Trade Center) et semble valider les interprétations de ce conflit en termes d’exacerbations religieuses et identitaires. Je reviendrai sur ce point.

En effet, tous les produits que nous désignerons comme des « produits culturels » circulent sur l’ensemble de la planète et sont quotidiennement vendus à six milliards d’êtres humains, de manière très inégale il est vrai.

Mon objectif est de forger une clé d’interprétation du fonctionnement du marché mondial des biens culturels, du contexte dans lequel il opère, et de son impact. On peut chercher cette clé soit dans la structure et la dynamique du marché culturel mondialisé, soit dans la nature du fait culturel lui-même. Étant donné la nature tout à fait particulière des biens culturels, qui ne sont pas des marchandises ordinaires, et vu le rôle central que remplit la culture dans la vie en société, seule une réflexion sur la culture est susceptible de fournir la clé d’interprétation dont nous avons besoin.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions de La Découverte)

L’auteur
Jean-Pierre Warnier est professeur d’ethnologie et d’anthropologie à l’université Paris V — René Descartes.

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