La même chose mais autrement

Miquel Mont, Gerwald Rockenschaub et Morgane Tschiember
La même chose mais autrement

Depuis les années 60, avec le mouvement « appropriationniste » et l’agence « les ready mades appartiennent à tout le monde » de Philippe Thomas, et jusque dans les années 90, avec l’apparition du sampling et du remix, l’art contemporain tend à abolir la propriété des formes. Dixit Nicolas Bourriaud : « Les artistes actuels évoluent dans un univers de produits en vente, de formes préexistantes, de signaux déjà émis, de bâtiments déjà construits, d’itinéraires balisés par leurs devanciers. Ils ou elles ne considèrent plus le champ artistique comme un musée contenant des œuvres qu’il faudrait citer ou « dépasser », ainsi que le voudrait l’idéologie moderniste du nouveau, mais comme autant de magasins remplis d’outils à utiliser, de stocks de données à manipuler, à rejouer et à mettre en scène. »

Pour faire le point sur l’histoire et l’actualité de cette question post et compost-moderne posée par tout artiste qui fait « la même chose » que d’autres « mais autrement », la Villa du Parc Centre d’art contemporain d’Annemasse invite trois plasticiens qui justement n’hésitent pas à créer des passerelles entre leur propre travail et celui des autres, qu’ils soient contemporains ou pas ; trois artistes qui contribuent à abolir la distinction classique entre copie, ready made et œuvre originale  : Miquel Mont, Gerwald Rockenschaub et Morgane Tschiember.
Né en 1963 à Barcelone, Miquel Mont explore depuis une quinzaine d’années les ressources matérielles et conceptuelles de la peinture. Il interroge l’objet-peinture (toile, wall painting, peinture-sculpture…) jusqu’à parler de “peintures emmurées”, “peaux murales” ou “peaux de peintures“. Comme Olivier Mosset « mais autrement », il explore la manière dont la peinture est posée et comment elle fonctionne (rapports à l’espace, à la lumière, au spectateur). La facture et la matérialité de chacune de ses œuvres, ses dimensions et sa présentation invitent le regardeur à ne plus appréhender l’œuvre comme un tableau, de façon strictement optique et frontale.

Né en 1952 à Vienne, Gerwald Rockenschaub vit et travaille aujourd’hui à Berlin (Allemagne). On connaît notamment les peintures-sculptures plates, à base de moquettes superposées, de cet ancien VJ « ambianceur ». L’une d’elles, datée de 1991, un rien suprématiste, était présentée l’an dernier à Kassel dans le cadre de la Dokumenta XII. A la Villa du Parc CAC d’Annemasse, Rockenschaub projettera une série  Ohne titel  de 7 vidéos dont le graphisme est aussi minimal que jovial. Une étonnante collection de mires et écrans de veille tendance « néo-géo ». Comme Max Bill « mais autrement », Rockenschaub aime à produire des ambiances à base d’abstractions géométriques…

Née en 1976 à Paris, Morgane Tschiember détourne et joue, comme Miquel Mont « mais autrement », avec les codes et les standards de l’art dit minimal, abstrait ou concret. Elle pratique volontiers le trompe-l’œil et revendique une joyeuse indisciplinarité qui fait que ses peintures sont des sculptures et vice versa (Iron maiden, 2008 ; Pop up, 2007). Si l’œuvre de Tschiember n’est jamais d’apparence laborieuse, chaque pièce produite est le fruit d’un incessant mûrissement qui la lie plus ou moins aux travaux précédents tout en annonçant les suivants.