Blaise Drummond
La lumière du Nord (North Light)
Les tableaux de Blaise Drummond sont tramés de fils invisibles reliant des univers, des sensations et des souvenirs disparates et hétéronomes qu’il parvient, tel un équilibriste, à fédérer le temps de compositions plus ou moins aérées selon les cas.
Les mobilier et design d’Alvar Aalto, Robin et Lucienne Day, Charles et Ray Eames, Jean Prouvé, Eero et Eliel Saarinen, l’Atelier rouge d’Henri Matisse, le Baptême du Christ de Piero della Francesca, le Vénus et Cupidon de Lucas Cranach l’Ancien, des références et «marqueurs» récurrents dans le parcours de Blaise Drummond, auxquels s’ajoutent des peintures de Caspar David Friedrich, de Fairfield Porter et de Wilhelm Sasnal, un poème de James Schuyler, des réminiscences d’un documentaire sur Joni Mitchell et d’un voyage effectué en Arctique, sans oublier d’autres éléments, en rapport avec les enfants de l’artiste — Arthur Lev, Bea, Sonny et Soren — mais aussi avec son environnement et son quotidien (arbres du jardin, etc.): autant de données qui alimentent la constellation de signes innervant ses peintures pour cette exposition.
Au sens premier du terme, anachroniques et témoignant d’une élasticité temporelle, quand bien même on y constate un ancrage régulier dans les années 1950 et 1960 pour les références en matière de design ou d’architecture, comme l’atteste notamment la fascination qu’exercent les textiles de Lucienne Day, ses peintures traduisent une atmosphère très unheimlich.
Placées sous le signe d’une complémentarité, pour ne pas dire contradiction, pleinement assumée où intérieur et extérieur, nature et culture, surfaces et effets de profondeur s’enchevêtrent au sein d’espaces fédérateurs, elles relèvent d’un no man’s land à la fois rassurant, car renvoyant à des facteurs identifiables, et déstabilisant, compte tenu des improbables télescopages qui nous sont donnés à voir.
Cette «contradiction simultanée», nous la retrouvons aussi dans les textures picturales propres à ses tableaux, Blaise Drummond ayant superposé à une «armature», synonyme d’une facture contrôlée, des traits déliés et atomisés reflétant une approche plus aléatoire et intuitive de son métier.
L’artiste qualifie ses œuvres d’«espèces de peintures de paysages désagrégé(e)s» («sort of landscape paintings fallen apart») desquelles naît une forme d’espoir. A nous de le saisir.