Les Å“uvres de dix artistes sont réunies au Centre rhénan d’art contemporain Alsace dans l’exposition « La liberté sans nom ». Des films, dessins, peintures et installations sont placées sous le signe d’un projet mené à la fin des années 1960 par le poète et éducateur français Fernand Deligny avec des enfants autistes. La matérialisation par Fernand Deligny du réseau invisible existant entre les enfants mutiques et leurs éducateurs parlants ouvre une mise en perspective du réseau lui aussi invisible qui se tisse au sein d’une exposition entre les artistes, les Å“uvres, les visiteurs, les commissaires… Les Å“uvres explorent en toute liberté ces liens mais aussi les notions de regard, de langage et de transmission.
La liberté sans nom des artistes
Sur une feuille de papier calque sont tracées des lignes qui semblent purement abstraites. Le dessin intitulé Calques 6 – Lignes d’erre de Benoît (dit « Binou ») consigne en fait les déplacements et les mouvements d’un des enfants autistes dont s’occupait Fernand Deligny. Celui-ci eu en effet d’idées d’enregistrer, par le biais de divers outils tels que la vidéo et le dessin, les trajectoires et les gestes des enfants sur le territoire ouvert du lieu de vie qu’il avait créé, le « réseau des Cévennes », au sein duquel les enfants pouvait évoluer librement. Les cartes, tracées sur des calques posés sur une carte du territoire, sont appelées les Lignes d’erre. A travers elles s’opère un basculement de la perspective du point de vue des éducateurs à celui des enfants et s’ouvre la possibilité d’un espace commun et d’un langage non verbal. Le titre de l’exposition, « La liberté sans nom » est tiré d’un texte de Fernand Deligny.
De l’œuvre pédagogique de Fernand Deligny à l’exposition, la même liberté
Le film Pinocchio de Nicolas Clair a pour base une vidéo d’école retrouvée par l’artiste. La vision de ce spectacle d’enfants jouant l’histoire de Pinocchio dans un naïf mélange des genres et une profusion de décors en carton-pâte, de masques en papier mâché, de costumes en crépon et d’images pastel inspirent à l’artiste de nombreuses questions : quel était le but de ce spectacle ? à qui s’adressait-il ? Un questionnement qu’il met en scène en actualisant la vidéo par la recréation complète de sa bande sonore de celle-ci selon des méthodes à la croisée de la musique concrète et de l’improvisation. Ainsi est mis en évidence le décalage entre deux époques.
Un puzzle en bois laqué composé de quatre-vingt-dix-huit pièces reproduit un dojo en miniature. Cette œuvre de Frédéric Dialynas Sanchez intitulée Tatami Brick Breakerz établit une connexion entre l’histoire du judo et celle de la monochromie et de l’abstraction géométrique. Les origines du monochrome seraient situées dans le sport japonais que le peintre Yves Klein, connu pour ses tableaux monochromes bleus.
Comme l’œuvre pédagogique de Fernand Deligny, l’exposition réunit des œuvres en toute liberté, sans aucun présupposé. Elle les laisse exister sans les avoir sélectionnées selon des critères préalables. Les œuvres sont donc des plus variées et sans point commun apparent, si ce n’est de tendre à faire émerger une réalité que l’on ne conçoit pas a priori.