David B
La guerre sainte
Depuis L’Ascension du Haut-mal, le sujet de l’épilepsie du frère et de son expérience comme bataille quotidienne est un des sujets majeurs des dessins de David B.
Comment représenter la douleur intérieure, les cataclysmes mentaux qui, par ce qu’elle touche un corps de la même famille, est à la fois perçus comme intérieures (c’est mon sang) et extérieures (ce n’est pas moi) ?
Des traits nets d’abord, face au mystère du Haut-Mal, en noir et blanc pour les planches de bandes dessinées, puis, peu à peu, l’apparition de la couleur dans les dessins isolés, du rouge, du bleu… sans abandonner de ce rapport au négatif, au contraste. Comme si les dessins étaient en couleur et en noir et blanc en même temps.
A l’intérieur des encres et du papier, le frère devient magique, et constitue avec l’auteur un duo bicéphale qui glisse et se dédouble à nouveau du réel au récit. La transmission par le texte d’une expérience se mélange à la question hantée, voire irrationnelle de la transmission d’une maladie difficile à comprendre, prédatrice prête à bondir de corps en corps.
Animaux, profusions de silhouettes et d’ombres, les dessins dans l’espace ont englouti en eux les mots qui bordaient les cases du livre. Riches de ces mots avalés, le passage de l’espace intime, individuel, du livre à celui qui est à l’échelle du corps et du monde de la galerie, permet alors un rapport debout aux dessins, à leurs mythologies familiales et oniriques.
Ici, le temps devient unité, il n’y a pas de séquence comme dans la bande dessinée mais circularité, trous, fosses, tas, lien vertical prêt à s’enrouler entre dedans et dehors, batailles individuelles et historiques : sa propre histoire à l’épreuve du rêve et à l’échelle du monde.
critique
La Guerre Sainte