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Par delà les nouveautés proclamées, la Fiac réaffirme sa »dimension généraliste» consistant à «mettre en regard l’art historique du XXe siècle, l’art contemporain au meilleur niveau international, la création très émergente, ainsi que le design».
Les chamboulements topographiques s’opèrent donc sur fond de totale continuité dans la modération esthétique, dans le sage équilibre de la chronologie, à peine épicé d’une pincée de design, et dans la subtile répartition des galeries contemporaines entre la Cour Carrée du Louvre et le Grand Palais. Bien que «62 galeries d’art contemporain dédiées à la création la plus émergente» soient rassemblées dans la Cour Carrée, les plus importantes de cette catégorie figureront au Grand Palais.
Si le retour au centre de Paris et le prestige de ses nouveaux lieux confortent la Fiac dans son actuelle hégémonie sur le marché de l’art français, l’exclusion (souvent sans ménagement) de certaines galeries françaises et le manque d’audace esthétique ont créé les conditions d’apparition simultanée de trois foires «off» : Show Off et Slick après Diva apparue, elle, l’an dernier.
Ces foires «off» viennent de fait redoubler sur la scène nationale la concurrence de plus en plus rude à laquelle la Fiac fait (difficilement) face sur la scène internationale, en particulier depuis la création de Frieze à Londres.
Cette floraison soudaine mais prévisible de foires «off» se prête à plusieurs interprétations. La plus optimiste, qui n’est peut-être pas la plus crédible, renvoie à une supposée bonne santé du marché français de l’art contemporain et à son dynamisme retrouvé.
L’autre cause pourrait être un déficit de dynamisme et d’inventivité de la Fiac, une certaine myopie face aux forces vives de l’art contemporain, une sorte d’institutionnalisation qui ankylose et empêche de se mettre au tempo des impétuosités de la création.
En tous cas, les foires «off» signifient que la Fiac n’est plus en mesure de répondre pleinement aux dynamiques nouvelles de l’art et du marché de l’art contemporains.
Tout en proclamant haut et fort son allégeance à la Fiac, l’équipe de Slick en dénonce les pesanteurs et l’inadaptation à la situation nouvelle du marché de l’art.
D’un côté, Slick veut en effet être «en total complémentarité avec la Fiac», voire un «tremplin vers la Fiac» ; de l’autre côté, elle précise qu’elle est «un off de la Fiac original, étonnant et accueillant» — ce que la Fiac ne serait pas, ou plus ? Quant à ses galeries, Slick les a sélectionnées selon «deux critères: leur désir insatiable de découvertes de nouveaux artistes talentueux, et leur état d’esprit dynamique et passionné» — autant de qualités que la Fiac ne saurait pas suffisamment détecter et mobiliser ?
Parce que le «off» se détermine en référence au «in», son premier effet est de le valoriser, de conforter le «in» dans son pouvoir et sa position dominante. Mais cette consécration est fortement teintée de concurrence et mêlée à cette affirmation implicite que des directions, des postures et des énergies nouvelles, inassimilables par le «in», doivent être mises en œuvre hors du «in». D’un même mouvement, le «off» fait allégeance et dissidence.
Le «off» — exemplairement Slick — vise ainsi à promouvoir dans le champ de l’art des légèretés qu’ont depuis longtemps perdues les pesantes machineries du «in»: le désir de découvrir, le dynamisme, la passion, l’enthousiasme, et le bon marché. En termes deleuziens, les «off» viennent accrocher aux flancs de la Fiac «molaire» des qualités et des tempos «moléculaires» porteurs de dynamiques et de possibles transformations dans le territoire de l’art.
On peut raisonnablement penser qu’un mouvement si nettement enclenché ne s’interrompra pas de sitôt. Il est probable que l’on assiste dans les prochaines années à la concurrence de deux grandes dynamiques : l’une, «molaire», vers plus d’institutionnalisation et de prestige, mais moins de réceptivité à la création vive ; l’autre, «moléculaire», qui ne trouvera sa pertinence et son audience que dans une adaptation étroite aux plus fines pulsations de l’art.
La mariée a aujourd’hui plus de trente ans, ses célibataires la courtisent encore, bientôt ils suivront leur propre chemin. A moins qu’ils ne s’égarent…
André Rouillé
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Franz West, Blue, 2006. Installation 236 x 185 x 222 cm. Courtesy galerie Ghislaine Hussenot, Paris. Photos : Kleinefenn.