ART | EXPO

La famille élastique

16 Jan - 27 Fév 2016
Vernissage le 15 Jan 2016

Les quartiers Nord de Marseille sont surtout connus pour leur violence et leur misère. Perrine Détrie et Aurélien Lemmonier sont allés, dans le cadre du projet Tremplins organisé par le centre social Saint Gabriel Canet Bon Secours, dans le 14ème arrondissement se frotter à la réalité et combattre les idées reçues.

Perrine Détrie, Aurélien Lemmonier
La famille élastique

«La famille élastique» est l’axe de recherche choisi pour la 17ème édition du projet Tremplins, porté par le centre social Saint Gabriel Canet Bon Secours situé dans le 14ème arrondissement de Marseille. Le projet vise à amener les habitants d’un territoire particulièrement éloigné des lieux d’art, vers des pratiques culturelles à l’occasion d’une rencontre: celle avec des artistes qui, le temps du projet, s’installeront dans les locaux du centre social, et celle des usagers du centre social partis à la découverte des pratiques artistiques contemporaines.

Le projet Tremplins, c’est donc un temps de découverte qui s’ouvre à la fois pour les habitants du 14ème quand ils se prêtent aux jeux des artistes mais également pour les plasticiens sélectionnés qui découvrent un territoire, une population, des personnes, voire des personnalités avec lesquelles le projet se déroulera durant toute une année… Des découvertes et des échanges sans lesquels rien ne serait possible. Des à priori qui tombent et se fracassent contre la réalité souvent plus rose, souvent moins rose, selon les cas, quand les statistiques font place à des parcours de vie, des témoignages, des histoires, ou des vies qui se racontent simplement et que de cette rencontre naît une Å“uvre d’ art. Une Å“uvre d’art qui prendra pour point de départ la sphère des rapports humains.

«Je trouve ça tout de même louche, que toute une population, celle des quartiers Nord de Marseille, qui représente à elle seule plus d’habitants que la ville de Bordeaux ou de Lille, ne soit que violence et difficultés.» Pendant sa résidence, Perrine Détrie se sera intéressée à ces écarts entre «légendes» urbaines à plus d’un titre et réalité. Elle entreprend un travail de sape aux idées reçues et tente une vaste opération de déstigmatisation d’un territoire et de ses habitants en prenant les choses par le biais de l’humain dans son individualité. Ce sont donc des caractéristiques absurdes, que l’artiste faire surgir de son étude des quartiers nord.

Avez-vous perdu le nord?, écrit et réalisé lors de sa résidence artistique dans le cadre du projet Tremplins 2015, relate son «infiltration» en terre inconnue, dans le 14ème arrondissement où elle choisit de mettre en avant la parole et le regard des habitants sur leur propre territoire et sur la vie, leurs vies sur ce territoire. Perrine Détrie est parti de l’existant , des images sur internet rangées sus l’occurrence quartiers nord de Marseille, des chiffres et des quotas qui définissent les populations selon les critères d’une administration qui pré-établie le profil type de l’habitant des quartiers dit en zone urbaine sensible… Mais le sensible c’est aussi celui qui ressent, celui qui vit avec fougue ses sentiments.

Ce sont les mêmes approches sensibles que l’on retrouve dans le travail de vidéos et de photographies d’Aurélien Lemonnier. Comment permettre à l’autre de se dévoiler en gardant de la distance, de la pudeur et quelle forme donner à ces récits, à ces rencontres, à tous les moments précieux qu’Aurélien Lemonnier a partagé avec les habitants, avec Geneviève qui dessine sa famille élastique avec Cathy. Aurélien Lemonnier crée des va-et-vient inspirés du cinéma, et transforme la réalité en fiction, ses films tendent vers une universalité qui emmène son travail hors des frontières imaginaires du 14ème arrondissement et parlent de nous tous, des moments d’existence, joyeux ou/et douloureux, des parcours dans lesquels chacun pourrait se reconnaître.

Loin des clichés, loin d’un travail inscrit dans des logiques de politiques urbaines, les œuvres d’Aurélien Lemonnier s’affranchissent de l’étude de cas, du relevé d’informations anthropologiques. Les films d’Aurélien Lemonnier ne sont pas documentaires, l’objectivité n’y est pas de rigueur, ils taisent une partie de l’histoire, caviardent une partie de l’image, gardent l’anonymat des visages et s’autorisent une fiction au sens kantien du terme, c’est à dire à des constructions conceptuelles permettant d’interpréter la réalité. On pense à la notion d’esthétique relationnelle théorisée par Nicolas Bourriaud qui trouve dans le travail de Perrine Détrie et Aurélien Lemmonier une nouvelle portée, mais qui colle à la définition donnée par son auteur «Théorie esthétique consistant à juger les œuvres d’art en fonction des relations interhumaines qu’elles figurent, produisent ou suscitent».

 

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