Marie Bovo
La danse de l’ours
Un ours danse enchaîné dans une cage à Mychkine en Russie, tandis que des vêtements, des objets, des tapis décrivent les mouvements énigmatiques d’un campement de Roms à Marseille. L’espace est violent. Cela vient du fait que les photographies et les films qui composent cette exposition montrent toujours des espaces entrechoqués. Les traversées photographiques de Marie Bovo narrent des «histoires d’ailleurs», proches et lointaines qui semblent échapper à la mondialisation des flux et des échanges.
Cette juste distance que bien peu sont parvenus à trouver, ni trop loin, ni trop proche, traverse l’ensemble de ses travaux. Toute l’œuvre photographique et vidéographique de Marie Bovo peut se lire comme une pensée de l’altérité où le voyage ne souffre d’aucun désir d’exotisme mais résonne comme une véritable expérience de vie.
Réunies pour la première fois à Marseille, ses différentes séries photographiques dialoguent avec l’architecture du Frac, composant un paysage intérieur où le regard du spectateur embrasse un univers iconographique profondément ancré dans la réalité. Investissant les trois plateaux (Plateaux 1, 2 et Plateau multimédia), l’exposition met en jeu le propre parcours du visiteur, amené à expérimenter une pluralité d’horizons où la lumière des paysages photographiques se métamorphose d’un espace à l’autre et nous invite à porter un regard différent sur notre environnement quotidien.
Espaces domestiques, espaces publics, paysages naturels et urbains constituent un formidable territoire d’observation où seules les traces d’une occupation humaine passée ou présente témoignent d’une réalité qui se donne à voir à ceux dont le temps du regard échappe à l’urgence.
Cette exposition est l’occasion de montrer également pour la première fois la vidéo Porte d’Aix coproduite par le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Centre national des arts plastiques au Plateau multimédia. Témoignage d’un espace public aujourd’hui maltraité, cette vidéo s’attache à rendre compte de la vie propre à cet espace cerné par la circulation et où la vie semble s’écouler paisiblement en dépit de l’agitation urbaine et des flux de véhicules incessants. Marie Bovo, dans un long travelling, s’attache avec humanité à rendre compte par le son et l’image de la présence d’hommes, de femmes et d’enfants, qui en toute quiétude partagent un repas, font la sieste, jouent au ballon. Autant d’activités qui, le temps d’une après-midi transforment ce rond-point en un espace de vie où l’oisiveté semble l’emporter et résister aux bruits et tensions de la ville.
Si les rapports entre photographie et peinture, photographie et cinéma résonnent aujourd’hui comme une évidence, le travail de Marie Bovo vient nous rappeler que photographie et poésie sont en constant dialogue et nourrissent profondément son écriture photographique caractérisée par de longs temps de pause et le choix d’un
éclairage naturel.
En France ou à l’étranger, sur les bords de la Méditerranée ou dans les îles Lofoten, en Norvège, Marie Bovo poursuit son chemin à la rencontre de situations simples et singulières, dont la dimension universelle abolit toute idée de frontière et de territoire. Marie Bovo photographie poétiquement le monde qui nous entoure pour rendre visible le temps, la disparition, l’effacement, nous invitant au gré de ses séries photographiques à scruter le monde en profondeur.
C’est le non-événement, leitmotiv de ses sujets photographiques, que l’on retrouve dans chaque série. «Regarde de tous tes yeux, regarde» (Jules Verne), c’est bel et bien l’invitation lancée aux visiteurs de cette exposition.
Pascal Neveux
Commissariat
Pascal Neveux
Vernissage
Vendredi 20 mars 2015 Ã 18h