En 1995, son exposition …oui j’ai dit oui et je veux bien Oui au Centre Georges Pompidou marque un tournant dans la sculpture de Françoise Vergier. Elle abandonne le bois de tilleul pour la céramique et le verre, tout en restant fidèle à son univers onirique et fantasmatique que l’on pourrait sans doute qualifier de féminin. Dans son refuge de Grignan elle distille de voluptueuses céramiques rondes et moelleuses qui font rêver à des corps érotisés, comme animés d’une danse statique et empreints de paysages atemporels. Les sculptures ici exposées alternent les matités et les brillances autour du corps fantasmé de la femme et du paysage (à moins qu’il ne s’agisse du contraire).
De la terre qu’elle modèle d’un seul bloc, Françoise Vergier retire une fluidité inouïe. Ses œuvres s’offrent et nous échappent à la fois, telle cette tête en céramique blanche au crâne surdimentionné d’où s’échappent des rêves de paysages. Amputés de leurs membres, les bustes sont souvent informes, mais jamais monstrueux ni laids. Ils entremêlent des visions conscientes et inconscientes, et font s’entrecroiser l’imaginaire de l’artiste avec le nôtre.
Une troublante Princesse d’Abyssinie, au buste sans tête paré de pierres tissées et au ventre tatoué, est placée dans un paysage semblable à un lavis japonais. Or, ce paysage s’inspire tout simplement du panorama que l’artiste peut contempler depuis son atelier de Grignan. Quant à la féminité des formes, elle est bien improbable. La force de l’œuvre de Françoise Vergier est précisément de stimuler les associations: des idées aux formes, des formes à d’autres formes et des idées entres elles. Rien n’est plus évident et tout flotte dans une sorte de rêve océanique : corps de femme, paysage, femme-paysage, creux, bosses, formes peintes et sculptées, etc.
Creux ou pleins, les bustes font parfois penser à Brancusi. Entre sculpture et vase, ces morceaux d’argile à la surface si narrative nous transportent dans un ailleurs qui n’est autre que notre esprit.
L’artiste ne se préoccupe guère des traditions de la céramique, et n’hésite pas à associer de la terre à de la pâte de verre, le tout cerclé de colliers de perles qui n’ont rien de précieuses. Si ces décalages sont souvent imperceptibles, c’est que les matériaux sont agencés selon une subtile harmonie. Tel est le mot qui pourrait résumer le travail de Françoise Vergier: harmonie.
Françoise Vergier
11 œuvres en terre cuite émaillée (2001) :
— Princesse d’Abyssinie. 64 x 34 x 27cm.
— Orageuse. 64 x 38 x 43 cm.
— L’Horizon. 40 x 33 x 19 cm.
— La Ceinture de ma Mère Maritime. 66 x 37 x 32 cm.