ART | CRITIQUE

La Casa Nostra

PEmmanuel Posnic
@12 Jan 2008

Exposition de groupe attestant de l’intérêt de plus en plus marqué de la jeune génération d’artistes pour le design d’intérieur, et de leur volonté de prolonger leur expérience esthétique au-delà des limites strictes de l’art contemporain.

A l’ombre de la production d’Annika von Hausswolff, la galerie Air de Paris réunit plusieurs artistes autour de la notion de design. La Casa Nostra définit, comme son nom pourrait l’indiquer, l’esprit de corps d’une équipe rassemblée pour l’émergence d’un projet commun. Plutôt que de regrouper, l’exposition ne fait que préciser et confirmer l’intérêt de plus en plus marqué de la jeune génération d’artistes pour le design d’intérieur. Ce qui n’est déjà pas si mal.

On y retrouve les déjà fameux Lily van der Stokker accompagnée pour la circonstance de Leo Kroll, le couple Mrzyk et Moriceau, Stéphane Dafflon et Pierre Joseph, locataires habituels des lieux, auxquels viennent s’ajouter Bruce Sterling et M/M. Chacun contribue à agrémenter un intérieur, la salle d’exposition devenant, le temps de leur démonstration, une sorte de maison-pilote.

Van der Stokker et Leo Kroll installent une table et des chaises en reprenant le décor fleuri et les couleurs franches acidulées qui font leur marque (Vijfzinnen, Table and Chairs, 2004).
Le pop se réincarne chez eux, tout autant que dans la composition murale de Dafflon (AM_001 de 2002) : ici la répétition d’un motif ovale rose fluo chevauchant discrètement le mur et le plafond. A côté, le cadre vide de M/M (Le Cadre de 2004), liseré bois peint en blanc et plexiglas bombé, sonne comme un hymne à la résurgence des Seventies.

Le duo Mrzyk et Moriceau propose un judicieux tapis de salon (Sans titre, 2004) : on y retrouve leur graphisme acéré, au service d’une composition en noir et blanc rehaussée de rouge sang et de vert. La représentation : deux corps écrasés baignant dans la couleur et l’astucieuse idée d’un questionnement sur la surface versus la profondeur.

Dans l’angle du fond, Bruce Sterling ajoute une touche lumineuse avec Cable Lamp ((C)Lamp Prototype, 2004), une lampe d’appoint qui reprend avec soin les volutes et les arabesques de l’esthétique Art Nouveau. Tout en sachant prendre ses distances. L’objet de Sterling rejette l’artifice de son modèle pour lui préférer le montage simple mais précieux d’un amoncellement de plastique blanc et de câbles électriques.
Dans l’entrée, Pierre Joseph et M/M repensent la pièce de bureau. Le premier en replaçant son étagère bleu-rose (Intersection, 2003), opposition tendancieuse des sexes et imbrication de structures compatibles. Le deuxième, avec son cabinet de lecture (Le Cabinet, 2003), reconsidère des pièces exécutées précédemment notamment le Ghost in the Shell, dans un environnement différent conférant à leur traditionnel éclatement formel, une coloration plus douce et plus apaisée.

Bien qu’il soit difficile de retenir une parenté stylistique dans l’ensemble de ces propositions, la Casa Nostra met sur le feu de la rampe des artistes qui ont la volonté de prolonger leur expérience esthétique vers un domaine qui jusque-là échappait en bonne part au champ de l’art contemporain.
Cette tentative n’est pas sans rappeler l’aventure singulière de François Arnal et son atelier A (1969-1975) lorsque le peintre et sculpteur s’était lancé dans l’édition d’objets et de meubles design en compagnie d’amis artistes (Arman, Brusse, César, Quémeneur, Télémaque, …). Avec pour volonté affichée de combler le trou béant qui bridait les familles de l’art contemporain et du design. Un vœu qui aujourd’hui semble devoir s’exaucer.

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