La Belle Hypothèse est un jardin paysager. Une sorte de remake en trois dimensions des Nymphéas de Claude Monet. La mise en volume inverse le rapport au paysage peint : aucune place n’est assignée au spectateur qui doit choisir son point de vue. Il fait ainsi le tour d’une grosse fleur blanche aux pétales acérés, qui s’épanouit au bout de la branche centrale d’un trident massif, jeté sur une petite mare bleue. Un faux soleil aux teintes changeantes illumine et colore le nénuphar de métal, qui affleure une flaque d’eau en plastique. Ce jardin en boîte revendique, sans détour et avec humour, sa facticité. Du monde végétal vivant, ne subsistent que de pâles réminiscences.
C’est le processus de production de Delphine Coindet qui confère à ses œuvres cette artificialité élevée au carré. Partant d’objets réels qu’elle croque sur un carnet, puis remodélise en 3D sur ordinateur, elle en choisit l’échelle de grandeur, et les matériaux de construction. Une fois le concept ficelé, la réalisation en est confiée à des professionnels. La mare est gonflable, le trident un assemblage de caissons en contre-plaqué épais, et la fleur en acier. Le va-et-vient entre nature et artefact, le mélange des matériaux, de leur texture et de leur consistance, renvoient à la contamination, et à l’auto-génération spontanée, des images, qui affectent désormais l’aménagement généralisé du visible.
De quoi se perdre assurément, et ce n’est pas le Pilote installé à l’entrée qui peut aider à s’y retrouver. Fichés sur un madrier de bois, trois panneaux en mélaminé aux couleurs pimpantes sont retournés au mur, assurément muets. L’indication est limpide : il n’y en a pas. Toutes les hypothèses — et c’est là leur beauté — restent à imaginer.
Delphine Coindet
– La Belle Hypothèse, 2003. Contre-plaqué, métal, PVC, projecteur trichromique. – Pilote, 2003. Hêtre, caissons mélaminés couleur.