Performeuse, Kubra Khademi cultive une création engagée. Artiste afghane née en 1989, les prises de position ouvertes de Kubra Khademi suscitent des réponses non moins franches. En 2015, par exemple, elle avait enfilé une armure pour se promener dans le quartier de Kote Sangi, à Kaboul. Une armure en acier qui ne couvrait que les parties de son corps, de jeune fille à lunettes, régulièrement visées par les commentaires et attouchements. La courte vidéo donnait alors à percevoir la tension sociale, épaisse, régnant à Kaboul. Une ville où la performance de Kubra Khademi, en tant que femme, en tant qu’intellectuelle, ne faisait alors que cristalliser l’agressivité. Depuis lors installée (réfugiée) en France, Kubra Khademi présente aujourd’hui Qanchiq. Une performance qui s’inscrit en première partie de la soirée Déplacés, danser sans frontières.
Déplacés, danser sans frontières au Musée de la Danse de Rennes : soirée chorégraphique
Derrière la soirée de restitution Déplacés, danser sans frontières, il y a un projet au long cours : Danse à tous les étages. Une association rennaise œuvrant à diffuser et produire de la danse contemporaine en Bretagne. Tournée vers le soutien aux émergences, Danse à tous les étages défend, entre autres, le programme Déplacés. Une expérience collective de mise en commun des aptitudes créatives, se déroulant selon deux modalités. Une modalité longue, avec des ateliers hebdomadaires réunissant jeunes en situation de migration, habitants rennais et artistes associés au Musée de la Danse de Rennes. Et une modalité courte, visant cette année à pallier l’absence d’initiative en faveur, spécifiquement, des femmes en situation de migration. Avec Léa Rault (chorégraphe), Arnaud Stephan (metteur en scène), Maëlle de Coux (dessinatrice) et Gaël Desbois (musicien) pour la modalité longue ; Kubra Khademi (performeuse) et Catherine Legrand (chorégraphe), pour la modalité courte.
Qanchiq, de Kubra Khademi : questionner la liberté par la performance et l’art
Soirée chorégraphique, Déplacés, danser sans frontières propose donc, en première partie, la performance de Kubra Khademi, Qanchiq. Soit une heure de réflexion, en acte, sur la liberté par les gestes et les corps. En langue turque, notamment, qanchik [kancik] signifie ‘chienne’. Un mot qui a le même sens qu’en français ou qu’en anglais (avec l’homologue bitch). Et vêtue d’une longue robe noire, en laisse, Kubra Khademi se débat. Avec sa mémoire notamment. Celle d’une éducation dans laquelle sa mère lui répétait de prier Dieu-Allah si elle voulait voir ses vÅ“ux exaucés. Avec la mémoire de prières aux tournures du type : « Je rampe vers toi comme une chienne pour que tu réalises mes rêves ». Mémoire d’un asservissement volontaire, à réclamer la laisse en échange d’une récompense… Kubra Khademi livre ainsi une performance encore inédite, autour du conditionnement à l’humiliation consentie, en vue de son démantèlement.