La démarche de Stéphanie Bouvier est à la fois plastique, cinématographique et socio-historique. Cette jeune artiste ressemble à ces reporters qui n’ont pas peur d’aller à la rencontre des peuples, avec cette différence que son point de vue est artistique.
A Berlin, elle s’est plongée dans le quartier de Kreutzberg, fréquenté par la communauté Kurde. Faute de pouvoir communiquer verbalement, elle a mobilisé la vue, le goût, le touché, l’odorat. A l’aide d’une caméra, elle a capté les gestes et les éléments caractéristiques des Kurdes en train de faire leur marché. En particulier la culture du foulard.
Les femmes ne possèdent que ce moyen de séduction, ce qui est assez paradoxal car le foulard qui est sensé occulter une part de leur féminité. La séduction passe dans la façon de le porter, et dans la variété de ses couleurs et tissus. Il fait l’objet d’une vraie mode.
En filmant les femmes en train de choisir leurs foulards, Stéphanie Bouvier a obtenu des images d’une grande sensualité, accrue par un effet de ralenti qui transforme les gestes réels en un véritable ballet. On découvre de multiples couleurs venant des rouleaux de tissus, de la variété des foulards, des fruits, salaisons, nourritures, linges, dentelles…
La sensualité passe également par les silhouettes et les visages, par des mains qui caressent les tissus, par de simples fruits ou des tas de linge blanc qui ressemblent à des œuvres d’art improvisées, par des reflets dans les vitres, des passages du flou au net, des panoramiques comme des tracés de peinture : par tout ce mouvement qui ressemble à une symphonie des sens.
Stéphanie Bouvier a également filmé le travail de chanteurs kurdes dont elle a dû mériter la confiance pour réussir à capter leurs chants magnifiques nourris des souffrances de l’exil et du pays perdu.
Un projecteur vidéo fait ainsi défiler sur un mur la vie du marché de Kreutzberg : les détails, les regards, les gestes, les couleurs, les chants, toute la magie de la communauté kurde.