Dans l’Europe médiévale, les animaux pouvaient être jugés (pour crimes et délits) comme à peu près n’importe quel autre membre ordinaire de la communauté humaine. Avec René Descartes et la modernité médicale, l’animal est devenu machina animata. Une machine animée, sans âme, pouvant faire l’objet de tests sans que ne soient enfreintes les règles de l’éthique. Avec l’époque contemporaine, le clivage ne s’est pas résorbé : production industrielle de viande d’un côté, sépultures pour animaux de compagnie de l’autre. Et à l’instar de la chatte Choupette, du défunt Karl Lagerfeld, certains animaux peuvent même frôler le statut juridique d’héritier. Et détenir des fortunes considérables. Le droit des animaux est ainsi l’une des branches les plus effervescentes de l’éthique contemporaine. C’est dans ce contexte d’ébullition que le Design Museum Gent [Musée du Design de Gand, en Belgique] présente l’exposition « Animaux sur mesure. Design entre l’homme et l’animal ».
« Animaux sur mesure. Design entre l’homme et l’animal » au Design Museum Gent
Exposition collective, « Animaux sur mesure » réunit des pièces de différents créateurs contemporains. Entre expérience et ironie, Paramount (2012) du designer munichois Konstantin Grcic (éditée par Architecture for Dogs), propose par exemple une sorte de piédestal pour caniches. Avec un vaste miroir entouré de lampes, comme dans les loges de stars. En réalité la pièce joue sur le test cognitif du miroir. Si certains animaux sont réputés le réussir — se reconnaître et donc être conscient de soi —, les chiens non. Comme le note Konstantin Grcic, cela peut aussi montrer que tous les animaux ne font pas de la vue leur sens de référence. Dans une autre veine, l’exposition présente une performance du designer londonien Thomas Thwaites — A holiday from being human (GoatMan), 2016-2017. Soit une expérience au cours de laquelle, augmenté de prothèses, il aura vécu quelques jours en compagnie de chèvres, dans les Alpes suisses.
Des rapports hétéroclites, de l’exploitation à la sacralisation, par le prisme du design
Diversifiée, l’exposition « Animaux sur mesure. Design entre l’homme et l’animal » s’articule ainsi autour d’une question. À savoir « Comment les êtres humains et les animaux peuvent-ils vivre ensemble de façon durable et quelles possibilités la technologie et la science ouvriront-elles à l’avenir ? » Et oscillant entre l’anecdotique, le sérieux et le ludique, le parcours proposé explore les influences animales dans le design contemporain. Des chaussures aux imprimés zébrés à la mise en plis d’un cochon d’Inde (alias cobaye)… Des steaks en laine aux cornes prothétiques… De la viande de culture aux substituts robotisés d’animaux de compagnie… À l’heure ou l’extinction massive des espèces impacte directement les perspectives de survie humaine, l’exposition « Animal sur mesure » interroge à son tour les rapports entre animaux humains et non-humains. Un rapport qui n’a rien d’évident ; un rapport dont les designers s’emparent, sous toutes les coutures, pour mieux en souligner les interdépendances.