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Killed in Action (Case Study Houses)

Le titre de l’exposition, Killed in Action, peut se traduire par «morts au combat». Les cases de cette étude de cas architecturale de grande envergure, lancée en Californie en 1945 par la revue Arts & Architecture, étaient destinées avant tout à loger les millions de soldats démobilisés ou de retour des différents fronts.

On fit appel aux meilleurs architectes de l’époque (Richard Neutra, Charles et Ray Eames, Pierre Koenig, Eero Saarinen, etc.) pour imaginer des solutions qui prennent en compte plusieurs facteurs: la modernité, la fonctionnalité, la reproductibilité, la rentabilité économique.
On inventa alors à Los Angeles les standards de la maison individuelle des années cinquante (ce mouvement correspondit à celui associatif des Castors en France), comme on avait trouvé au début du XXe siècle, à Chicago ou à New York, ceux des gratte-ciel.
Vingt-cinq maisons-types furent fabriquées en série, à la chaîne, sur les trente-sept dessins conçus par les architectes et les ingénieurs. On trouva des compromis entre les villas hollywoodiennes héritées des haciendas baroques et les cubes minimalistes des bâtisseurs du Bauhaus. Certaines de ces maisons idéales ont fait date dans l’histoire de l’architecture.

La nostalgie du sculpteur Wilfrid Almendra est double. Elle est «revivaliste» dans la mesure où l’artiste est fasciné par cet âge d’or du boom économique d’après-guerre qui s’est achevé, comme on sait, par les pertes et fracas de l’ouragan Katrina sur la Nouvelle Orléans. D’autre part, à ce goût pour le «ce qui a été» s’ajoute celui de l’utopie, pour ce qui n’a pas encore eu lieu. En effet, Wilfrid Almendra ressuscite dix des douze plans qui avaient été éliminés.

Ces projets sont reconstitués non à l’identique, mais sous la forme d’un maquettage matiériste, métonymique, postmoderne. D’un échantillonnage de type techno: à base de citations, d’extraits, de points de détails carottés à des bâtiments plus ou moins équivalents ou censés suggérer les maisons «originales». Ces morceaux choisis ressemblent à des objets trouvés mais également à des objets mathématiques — une forme pure, généralement rectangulaire, est en effet associée à chaque palimpseste de matières.

Ces reliefs sont exhibés comme les ruines d’une époque déjà lointaine. Comme des fresques parthénoniques pillées ou sorties de leur contexte. On pense ici à l’exposition sur le Bauhaus présentée l’été dernier à Berlin, où les objets étaient mis à plat, épinglés, accrochés aux cimaises muséales comme des meubles en attente d’être assemblés.

Si la démarche de Wilfrid Almendra est pertinente, le résultat final n’est pas toujours convaincant formellement. Le sculpteur ne cherche ni à séduire, ni à jouer sérieusement avec ses trouvailles, ni à composer avec ces vestiges.
Les feuilletés sont livrés tels quels, bruts de décoffrage. Ils ont de la patine, mais jamais l’indiscutable beauté et l’évidente pureté d’un assemblage de Schwitters, d’un relief d’Arp, d’un collage d’Ernst.

Une vitrine présente des calques en fac-similé et des dessins aquarellés d’architecte (CSH # 13, Alpha, projet de 1946 de Richard Neutra). Le texte de la revue Arts & Architecture (oct. 1945) affiché à l’entrée traduit l’obsession socialisante de la cohabitation ou du bon voisinage. Il est recommandé de «s’harmoniser à l’architecture avoisinante» et de ne pas «ignorer ses voisins». On pense du coup à la fable filmique Neighbours (1952) de Norman McLaren où l’érection d’une barrière entre deux propriétés tourne au conflit armé…

Liste des œuvres
— Wilfrid Almendra, CSH # 4, Greenbelt House, esquisses du projet de 1945 de Ralph Rapson, 2009. Plâtre, grillage, ardoise, zinc. 148 x 172 x 13 cm
— Wilfrid Almendra, CSH # 5, projet de 1945 de Whitney R. Smith, 2009. Lambris, acier, béton, amiante inerte, lasure, céramique. 138 x 128 x 35,5 cm
— Wilfrid Almendra, CSH # 6, Omega, projet de 1945 de Richard Neutra, 2009. Tôle galvanisée, plastique, bois, aluminium, mousse expansée. 130 x 210 x 38 cm
— Wilfrid Almendra, CSH # 12, Whitney, projet de 1946 de R. Smith, 2009. Acier, fer à béton, téflon, ciment. 150 x 107 x 19 cm
— Wilfrid Almendra, CSH # 13, Alpha, projet de 1946 de Richard Neutra, 2009. Crépit, pierre de Bavière, bois, silicone, lasure. 105 x 152 x 18 cm
— Wilfrid Almendra, CSH # 19, projet de 1957 de Don Knorr, 2009. Béton désactivé, placoplâtre, acier, béton, gel-coat. 108 x 102,5 x 22 cm
— Wilfrid Almendra, CSH # 21, projet inabouti de Richard Neutra, 2009. Tôle noire, grillage, acier, peinture. 124 x 107,2 x 28 cm
— Wilfrid Almendra, CSH # 24, projet de 1961 d’Archibald Quincy Jones et Frederick E. Emmons, 2009. Carrelage, acier, verre armé, caoutchouc. 142 x 73,5 x 27 cm
— Wilfrid Almendra, SH # 26, projet de 1962 de Killingsworth, Brady, Smith & Associates, 2009. Asphalte, acier, linoleum. 91 x 130 x 16 cm
— Wilfrid Almendra, CSH # 27, projet de 1963 de Campbell and Wong, 2009. Bois, ciment, caoutchouc, acier. 100 x 104,9 x 54 cm

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