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Khvay Samnang. L’Homme-caoutchouc

Khvay Samnang s’intéresse à des situations inextricables qui, selon lui, nécessitent une intervention. Accomplissant des gestes symboliques et intentionnellement futiles, il propose de nouvelles interprétations d’événements historiques et de questions d’actualité controversées, qui résistent à la langue des médias et des rapports officiels.

Information

  • @2015
  • 2978-2-87721-224-3
  • \14€
  • E64
  • Zoui
  • 4Français-Anglais-Khmer
  • }150 L - 210 H

Présentation
Erin Gleeson, Vandy Rattana
Khvay Samnang. L’Homme caoutchouc

En 2015, le Jeu de Paume et le CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux organisent conjointement la huitième édition de la programmation «Satellite». Chaque exposition est accompagnée d’une publication imaginée comme une «carte blanche» aux artistes. Conçue dans un dialogue étroit avec un studio graphique renouvelé à l’occasion de chaque édition, cette série d’ouvrages s’offre comme un espace de création autonome au sein de la programmation.

La pratique pluridisciplinaire de Khvay Samnang (né en 1982 à Svay Rieng, Cambodge) se déploie dans la performance, la photographie, la vidéo et l’installation. Nourri par son instinct et la rumeur, son expérience personnelle et les médias, Khvay Samnang s’intéresse à des situations inextricables qui, selon lui, nécessitent une intervention. Accomplissant des gestes symboliques et intentionnellement futiles, il propose de nouvelles interprétations d’événements historiques et de questions d’actualité controversées, qui résistent à la langue des médias et des rapports officiels, souvent manichéenne.

S’inscrivant dans la continuité de précédentes œuvres comme Untitled (2011) et Where is my Land? (avec Nget Rady, 2014), Khvay Samnang fait avec Rubber Man [L’Homme-caoutchouc] (2015) acte de résistance poétique dans un paysage contesté.

Avec Rubber Man  (2015), œuvre conçue pour la programmation «Satellite 8», Khvay Samnang s’est attaché à la question du legs colonial et, plus spécifiquement, au problème de l’aménagement du territoire. Il y a cent trente et un ans, en 1884, les terres de la monarchie khmère sont privatisées par l’Indochine française. Peu après, des graines d’hévéa sont importées du Brésil. Les Français introduisent ensuite une vision économique qui amorce une nouvelle approche et une transformation physique et spirituelle de la nature cambodgienne en vue de l’exploitation de ses ressources. La première concession foncière cambodgienne est accordée en 1922 pour une plantation d’hévéas qui demeure la plus vaste au monde jusqu’en 1975.

Le mot français caoutchouc, transcription d’un terme indigène d’Amérique du Sud désignant la gomme de l’hévéa, a lui-même été repris par la langue khmère. Sur cet «arbre qui pleure», le latex s’écoule de l’incision faite dans l’écorce telles des larmes. Sans doute l’allusion la plus mordante au mot gomme est celle de l’effacement, qui renvoie à l’intensification actuelle de l’exploitation coloniale des forêts et de la culture cambodgiennes.

Au cours des deux dernières années, Khvay s’est rendu à plusieurs reprises dans la province montagneuse de Rotanah Kiri, cette zone du nord-est du Cambodge où les confiscations illégales de terres et les protestations qui s’ensuivent font régulièrement les gros titres de la presse locale et internationale. Les puissance économiques — qu’il s’agisse de particuliers, des pouvoirs publics, de multinationales ou de banques internationales — qui se dissimulent derrières les plantations représentent aujourd’hui une grave menace pour la culture indigène. Cette dernière voit dans la forêt et les esprits des ancêtres qui y résident des acteurs essentiels du cycle de subsistance complexe où se succèdent plantation, transplantation, récolte et régénération — des pratiques qui, durant des siècles, ont efficacement assuré la conservation de la forêt et de la vie sauvage.

Rubber Man, triple projection vidéo conçue par Khvay Samnang, montre ce paysage lourd d’antagonisme, passant des vestiges d’un village à une clairière, de jeunes pousses aux plantations adultes. L’artiste occupe le centre de la scène, se déversant du latex frais sur le corps, apparaissant et disparaissant. Il erre le long des rangs ordonnés des cultures forestières intensives, tel un fantôme égaré. Les anciennes forêts ayant disparu, Khvay Samnang pose la question: «Où vivront alors les esprits?» (Erin Gleeson)

Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition «Khvay Samnang. L’Homme-caoutchouc» présentée au Jeu de Paume à Paris, du 2 juin au 27 septembre 2015.

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