PHOTO

Kelvin 40

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Kelvin 40 est un jet privé bi-place, construit à l’échelle un. Il ne manque plus qu’un moteur pour que l’avion s’envole. A contre-courant de l’esthétique de la chute qui submerge l’art contemporain, le designer australien prend de la hauteur.

Les visiteurs de la Fondation Cartier peuvent apprécier un joli cadeau dans le hall d’entrée. Déposé comme au pied du sapin de Noël, on peut y apprécier une maquette à l’échelle un d’un jet privé. De l’autre côté de l’entrée on peut admirer, comme dans un jeu vidéo, les essais en soufflerie de ce prototype volant.

L’incongruité du projet est totale. On est frappé par l’originalité et l’absurdité de la réalisation. Caréné, fuselé, mis au point dans les souffleries de l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales), l’appareil semble tout droit sorti d’une bande dessinée.
En fait, il est le fruit de l’élaboration du designer australien Marc Newson. Surdoué de sa génération, il s’attaque aussi bien au mobilier classique qu’à l’éclairage de l’opéra de Sydney. Maître dans son domaine, il accepte, pour la seconde fois, la carte blanche que lui propose le joaillier.

Le résultat final est bluffant de réalisme. Entre jouet grandeur nature et prototype sortant des bureaux d’étude de l’ingénieurie aéronautique, on ne sait que penser de cette aile en éléments composites. Est-elle une farce ou la maquette d’un avion à venir, commercialisable? Mystère.

Une chose est sûre, le carénage, le cockpit en verre, les instruments de mesures, sont bien présents. L’objet volant a été baptisé Kalvin 40 du «nom du personnage central de Solaris, un film de Andreï Tarkovski, et de Lord Kevin, un physicien et mathématicien écossais du XIXe siècle connu pour ses recherches en thermodynamique».
L’origine est double, à la fois littéraire et cinématographique, le film est l’adaptation du livre éponyme de Lem (écrivain de SF polonais qui a également beaucoup inspiré Dan Graham), mais aussi scientifique.

Le spectateur pourra s’en aller avec ses rêves icariens plein la tête. A l’opposé de la poésie douce d’un Panaremko, cet OVNA (Objet Volant Non artistique) est appelé à voler dans le futur. Il est la matrice d’un projet ambitieux qui reste à développer. Il ne s’agit pas d’assister à la naissance d’une œuvre d’anticipation mais bien d’un projet concret.

Les artistes n’ont plus d’utopies ils ont maintenant des machines à voler plein leurs tiroirs. A l’opposé d’une esthétique de la chute qui est visible dans l’art contemporain, Marc Newson prend son envol pour imposer ses rêves.

Marc Newson
– Kelvin 40
, 2003. Aluminium, matériaux composites. 8 m d’envergure.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO