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Katrin Gattinger

A l’occasion du salon Jeune Création 2001, un entretien à propos de la série Les Gardes du corps, où il est question de prothèses, de contraintes imposées au corps. Peut-être de ce que Michel Foucault désignait par des "technologies politiques" du corps.

Chrystel Jubien. Que présentes-tu aujourd’hui à Jeune Création?
Katrin Gattinger. Une série de trois objets sur lesquels je travaille depuis un an et qui ont été mis en situation à travers des performances vidéo que je présente également. Cette série, que j’appelle Les Gardes du corps, est issue d’une réflexion sur la prothèse et sur les postures anti-naturelles infligées au corps. J’expose les objets, des photos-portraits de ces objets et des vidéos où ces prothèses inhabituelles sont mises en scène dans la rue, à l’aéroport…

Ces objets illustrent à leur manière des expressions familières du langage parlé, en français et en allemand, est-ce aussi une réflexion sur le langage?
Katrin Gattinger. D’une certaine manière évidemment, mais ce n’est pas un travail sur les langues. Il se trouve que je suis allemande et que je vis en France depuis dix ans. Les deux langues me viennent à l’esprit un peu naturellement et je m’amuse à mêler leurs caractéristiques. L’expression qui illustre l’usage de l’objet « tenir la tête haute » a été pensée en allemand – une tige surmontée d’une sorte de minerve poussant à lever la tête. L’objet « ne pas laisser tomber les bras » est venu d’abord en français, le sens est le même dans les deux langues. L’objet « à garder les oreilles raides » est la traduction littérale de l’expression allemande « die ohren steif halten » qui veut dire « garder le moral ».

Comment s’est fait le passage au port de l’objet?
Katrin Gattinger. Je réfléchis, à travers ce travail, sur des objets imaginaires, au sens plus général de la prothèse et du rapport qu’elle induit au corps. Je suis seule par exemple à pouvoir porter l’objet « pour tenir la tête haute », qui a été conçu spécialement pour moi. Les deux autres sont réglables pour tout le monde. Ils permettent donc d’impliquer le public dans l’œuvre en lui faisant essayer par exemple l’objet. Ce que j’ai fait lors d’expositions précédentes. Je pensais les objets au départ en les projetant sur mon propre corps. Ensuite j’ai réalisé qu’ils pouvaient s’adapter à tous. Les prothèses sont des objets rigides, figés, qui sont intimement liés au corps. Ce sont des structures auxquelles on est obligé de s’adapter. Pas l’inverse. C’est ce rapport-là qui m’intéresse et que je traduis en images à l’aide d’expressions liées elles-mêmes au corps.

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