Avec A Kind of Fierce [Une sorte de fureur], la chorégraphe Katerina Andreou, livre un solo énergique. Si danser c’est bouger, c’est aussi donner quelque chose à percevoir. La grâce, la force, la détermination, la fatigue, le désespoir, l’indolence… Les combinaisons de mouvements sont perçus par les spectateurs, qui par imprégnation du regard, s’en trouvent éventuellement comme saisis. Pour A Kind of Fierce, Katerina Andreou explore les notions de prise de décision et degrés de liberté. Elle compose une chorégraphie déroutante, en contrepied de ses propres automatismes. Entre autonomie et autorité, cette chorégraphe et danseuse aguerrie joue et déjoue sa propre expertise. Sur une scène vide, à l’exception d’un trait de lumière en néon, une personne danse, seule, de façon un peu bizarre, au son d’une musique pop entrainante. Énergie chorégraphique sans trame narrative, sans épopée ni grand récit, Katerina Andreou creuse ainsi le sillon de la spontanéité.
A Kind of Fierce, de Katerina Andreou : un solo chorégraphique énergique
Dans un cheminement où rien ne découle de rien, chaque geste, chaque mouvement est conditionné par ce qui précède. Mais avec une telle abondance de précurseurs que des choix doivent s’effectuer. Et dans ce processus de prise de décision, de sélection, se dessinent des routines, des autoroutes de la pensée ou du geste. Autant de réflexes qui autorisent certes une rapidité d’exécution (conduire en parlant, interpréter une partition de piano sans réfléchir…), mais en limitant le degré d’attention portée à la radicale singularité de l’acte en train de se faire. Ce problème, de la construction et perception de l’expérience en temps réel, a notamment occupé des philosophes comme John Dewey et des artistes comme Allan Kaprow (avec le Happening). Pour la pièce chorégraphique A Kind of Fierce, Katerina Andreou s’en empare à son tour par la danse. Avec notamment, en amont, l’observation de centaines de danses.
Entre spontanéité et prise de décision : une chorégraphie qui danse contre elle-même
À travers la pièce A Kind of Fierce, transparaissent ainsi des échos de différentes danses et influences. À savoir la Danse Libre de la chorégraphe Isadora Duncan, les danses urbaines, le Voguing, les attitudes scéniques dans les concerts des années 1980… Katerina Andreou interroge ainsi les notions d’audace et de liberté. Tout en développant sa propre pratique, singulière, qui, à son tour, mobilise des jeux de contraintes. En instaurant, par exemple, la règle de recourir à des éléments de contraste et de rupture pour générer de la déconstruction narrative. Brisant ainsi la linéarité. Ce faisant, Katerina Andreou fait émerger des figures à la fois étonnantes et ambiguës. Une chorégraphie contradictoire, empreinte d’élan, de désir et de spontanéité, entre réflexe et court-circuit. Pour un solo à la fois lucide et rafraichissant ; un solo qui cultive un brin de folie et de défi vis-à -vis du jugement des spectateurs.