Avec Bstrd (2018), la chorégraphe et danseuse grecque Katerina Andreou livre un solo énergique, à la croisée des chemins. Hybridations, métissages, créolisations… Face aux tendances populistes de repli sur la pureté des origines, Bstrd ouvre les fenêtres du mélange. Et si le titre paraît violent, même sans les ‘a’, peut-être faut-il se demander en quoi le fait d’être un.e bâtard.e devrait poser problème. Sur fond de quelle pureté idéalisée ou sanguine le mot devrait faire insulte. À l’opposée de toute recherche de pureté, Katerina Andreou opte plutôt pour l’exploration des imbrications. En danse, c’est la House et son univers bigarré, nocturne et composite qui lui sert de trame chorégraphique. Et questionnant les limites, Bstrd mélange les styles. Sur un plateau sobre, sans autre présence qu’une platine vinyle, Katerina Andreou concentre ainsi toute l’intensité du solo dans la dynamique de son mouvement. Sur une composition sonore co-créée avec Eric Yvelin.
Bstrd de Katerina Andreou : une danse plurielle, composite et ouverte
Sur une création sonore rythmée, préenregistrée et pressée sur vinyle, Katernia Andreou danse. La solitude du corps fait ainsi ressortir la diversité des genres qui le traversent. Sans livrer une étude abstraite de la culture House, Bstrd y plonge plutôt pour en extraire des inspirations. À l’écart de toute pureté, de tout ce qui pourrait faire l’Essence de la House, Katerina Andreou s’en sert de réservoir. Un choix motivé par le côté populaire (largement partagé) de ce style de musique, comme des pratiques qui l’accompagnent. Avec des gens de tous horizons se réunissant dans des clubs, la nuit, pour danser ensemble. Chacun avec ses styles, son corps, ses affinités chorégraphiques. Exemple de métissage réussi, la House permet de souligner les multiplicités. Toutes les strates qui animent et mettent en mouvement. Corps-monade contenant tous les styles, pour Bstrd Katerina Andreou reflète toutes les autres monades dansantes.
La House comme vivier, pour un solo en forme de multitudes
Mais Bstrd n’est pas non plus un précis abstrait sur l’hybridation chorégraphique. C’est une pièce physique, qui explore les limites, frôlant l’épuisement. Peut-être parce que la fatigue est un puissant vecteur de mélange. Quand une forme d’état second permet de s’émanciper du désir de pureté. En acceptant que de l’altérité s’immisce, vienne dévier la course du planifié, de l’identique à soi, pour y introduire de l’autre, du différent. La pièce Bstrd fait ainsi le choix de mettre l’accent sur la fonction finale. Décadrant à son tour ses origines (House, danse contemporaine…), pour mieux exister comme acte performatif s’inscrivant dans le présent. Produisant de l’instant, du temps partagé, de la réalité. Bras de fer avec le déterminisme et l’autorité, Bstrd déconstruit les engrenages chorégraphiques pour mieux valoriser la liberté du divergeant. Avec un solo énergique, qui décomplexe face aux injonctions, de plus en plus sourdes, de perfection et de pureté.
Pièce présentée en soirée double programme avec Hope Hunt and The Ascension Into Lazarus (2017) d’Oona Doherty.