L’exposition « Une avant-garde polonaise » au Centre Pompidou s’intéresse à deux figures majeures de l’avant-garde constructiviste polonaise : la sculptrice Katarzyna Kobro et le peintre Władysław Strzemiński.
Une avant-garde polonaise : Katarzyna Kobro et Władysław Strzemiński
L’exposition s’inscrit dans la volonté du Centre Pompidou de s’ouvrir aux avant-gardes qui ont émergé hors des frontières de l’Europe occidentale et fait suite à l’exposition « L’avant-garde russe à Vitebsk (1918-1922) » présentée au printemps. Sous-titrée « Katarzyna Kobro et Władysław Strzemiński », elle porte la lumière sur deux artistes injustement méconnus du public français, malgré l’important rôle qu’ils ont joué dans l’histoire des avant-gardes internationales.
Organisée selon un parcours à la fois chronologique et thématique divisé en six parties, l’exposition regroupe plus de cent quatre-vingt œuvres de Katarzyna Kobro et Władysław Strzemiński et une vingtaine d’œuvres des artistes majeurs de l’avant-garde internationale comme Jean Arp, Stanislaw Grabowski, Karol Hiller, Fernand Léger, Kurt Schwitters, Henryk Stazewski ou encore Mieczyslaw Szczuka. Elle retrace le cheminement d’un couple d’artistes pour qui l’art jouait un rôle essentiel dans la réforme de la société. Utopistes réels, ils ne croyaient plus à l’efficacité des grandes révolutions, mais à celle d’actions à échelle plus réduite qui, en se multipliant, amènent peu à peu un changement.
Kobro et Strzemiński, figures majeures du constructivisme polonais
La première partie, « Dans le creuset de la révolution », présente les premières œuvres de Katarzyna Kobro et Władysław Strzemiński, ancrées dans la révolution artistique russe de 1918 et son projet de transformation radicale de l’art en tant qu’outil de la reconstruction du monde. On y décèle l’influence des expériences de Vladimir Tatline sur les matériaux industriels et l’esthétique des machines et pour les théories de Kasimir Malevitch. C’est après leur déménagement en Pologne en1921-1922, que leurs créations, tout en s’inspirant du suprématisme de Kasimir Malevitch, sont nourries par leurs propres conceptions artistiques, en particulier leur volonté de construire une oeuvre cohérente, capable de former une unité organique comparable au même titre que les créations de la nature, selon un principe d’homogénéité qui vise à devenir un modèle d’organisationnel s’appliquant à tous les domaines de la vie sociale.
Dans la deuxième partie, « Utopie uniste » sont réunies les œuvres abstraites les plus connues du couple. S’ils travaillent ensemble, Katarzyna Kobro et Władysław Strzemiński développent chacun de leur côté le langage moderne de leur médium : la sculpture pour la première et la peinture pour le second. Władysław Strzemiński établit la théorie de l’unisme qui veut que toute œuvre d’art soit créée selon ses constituants essentiels et qui pousse donc à l’extrême l’idée de l’autonomie organique de la peinture, débarrassée de toute référence externe, du mouvement, du temps et de la tridimensionnalité. Katarzyna Kobro applique cette vision à la sculpture en la concevant comme un moyen d’appréhender l’espace. En témoignent les peintures abstraites de Władysław Strzemiński comme ses Compositions architectoniques et ses Compositions unistes, et les sculptures suspendues de Katarzyna Kobro comme Construction suspendue (1), très beaux exemples de sculpture constructiviste.
L’art au service des utopies de l’avant-garde polonaise
La partie intitulée « L’art pour tous » est consacrée à la collection internationale d’art moderne que le couple a rassemblée dans les années 1930, qui est à l’origine d’un des premiers musées d’art moderne au monde, le Muzeum Sztuki de Łódź. La quatrième partie, « Le design au service des utopies » regroupe la majeure partie des projets graphiques et de design industriel du couple. La cinquième, « Le matérialisme de la vision » s’intéresse à l’évolution de la démarche au cours des années 1930, Katarzyna Kobro se tournant vers le figuratif schématisé tandis que les paysages et natures mortes Władysław Strzemiński ne tentent plus de refléter la réalité mais la perception visuelle, telle qu’elle est déterminée par la physiologie, les émotions et les connaissances. Ainsi est introduite dans ses dessins et peintures comme Composition marine. Vénus, Paysage marin pluvieux et la série Les Déportations une ligne sinueuse qu’il considère comme l’expression directe des expériences humaines intimes. Enfin, avec « Le réalisme utopiste » est abordé l’œuvre tardif, de la fin des années 1940, de Władysław Strzemiński, qui poursuit ses recherches sur le phénomène de la vision et de Katarzyna Kobro dont les sculptures sont dorénavant marquées par l’expérience de la guerre et les drames personnels.