Matthieu Blanchard
Karst
La peinture de Matthieu Blanchard procède d’une longue cuisine, d’un brassage de matières près du sol. La turbulence des mélanges liquides et des vapeurs se combine à une lente besogne de retouche; un amoncellement contradictoire de matières d’origines diverses embourbées dans une tension perpétuelle entre leur nécessaire transformation chimique et un travail de construction picturale.
Avant de basculer, avant de sécher définitivement et devenir un tableau, la peinture aura traversé plusieurs seuils dont celui où à l’état de matière informe elle se dote d’un pouvoir de contamination étendu. La substance collante éclabousse, dégouline. Elle atteint n’importe quelle surface du moment que celle-ci puisse offrir un minimum de porosité et assez de temps pour y sécher ou pas.
L’humidité d’une cave se prête à la dispersion de la matière picturale. En retardant son temps de séchage elle permet à la peinture de ne pas se figer et de pouvoir se répandre sur d’autres surfaces. Elle envahit l’espace de sorte qu’aucun support ne soit épargné.
Les empreintes de peinture se transmettent d’un matériau à l’autre sans se soucier d’une quelconque hiérarchie. Dans ce désordre d’apparitions, la toile perd son statut de support privilégié que lui disputent alors d’autres surfaces jusqu’ici déclassées.
Alors que la peinture dégouline et se laisse absorber partout où elle peut, elle pénètre des strates inférieures et invisibles où tout en disparaissant elle devient une résurgence imprévisible.