Pièce pour huit danseurs, Allegria (2017), du chorégraphe Kader Attou (Cie Accrorap) courtise le rêve. Venu du Hip-hop, au fil de ses créations — et Allegria en est la seizième — Kader Attou a su développer une écriture tout en poésie et légèreté. Pièce interprétée par huit danseurs masculins, Allegria oscille entre force et douceur. Sur des compositions sonores originales de Régis Baillet (Diaphane), l’allégresse y prend les traits de mouvements jouant sur les rythmes. De puissantes accélérations qui s’amortissent comme des plumes… D’infimes impulsions qui se résolvent en envol… L’écriture de Kader Attou joue sur la suspension. Celle du mouvement, et celle du temps comme du réel. Lieu singulier, Allegria compose ainsi un espace de rencontres, souhaitées ou fortuites ; un espace où des choses « arrivent puis disparaissent, comme cela se passe dans un rêve ». Et cultivant l’écart, l’allégresse dansée de Kader Attou s’ancre d’abord dans l’infime.
Allegria de Kader Attou : la puissante poésie chorégraphique du quotidien
À la façon de ces rêves où de la perception d’un bruit anodin naissent des dragons multicolores, Allegria creuse la chair du quotidien pour en tirer de l’émerveillement. Dans un décor dépouillé, huit danseurs sobrement vêtus font ainsi apparaître et disparaître de la poésie. Ce qui est là , ce qui n’est pas là … Parfois à la lisière du mime, l’expressivité des danseurs ouvre des pistes d’interprétations. Burlesque, mélancolie, poésie ? Un peu de tout cela, et plus encore. Et seuls ou ensemble, les danseurs donnent à percevoir des choses invisibles. Est-ce que le sol est brûlant ? La gravité est-elle absente ? Est-ce une ombre ou un double — un ange, un gardien, un reflet ? Par ses jeux de lumières, Allegria amplifie la virtuosité sidérante de danseurs capables de rebondir sur une seule main. Comme si de tels mouvements étaient évidents, à la portée de tous.
Une échappée hors du réel : petit voyage en marge de la gravité et de la morosité
Cultivant une forme de minimalisme, ou plutôt de maximalisme où la danse occupe toute la place, Allegria s’abstrait du présent. Compose son propre présent. Si la danse Hip-hop est souvent assimilée à une danse à forte valeur sociale et politique, Allegria en débusque plutôt la grâce. Comme le dit Kader Attou, pour cette pièce « l’idée est de chercher la poésie partout où elle se trouve ». À savoir dans le corps des danseurs, mais aussi dans la violence du monde. Soit aussi une façon de résister à l’érosion du quotidien, quand la banalité, avec sa laideur sans doublure, finit par se confondre avec la vie de tous les jours. Pièce vive et contagieuse, Allegria (spectacle accessible dès neuf ans) s’adresse à la part d’enfance que chacun recèle en soi. Pour un moment d’envol onirique, suspendu à la dextérité des huit magiciens-danseurs de la compagnie Accrorap.