Présentation
Jean-Philippe Antoine
Kacem Noua. Atmosphère atmosphère
Ce petit guide a été publié à l’occasion de l’exposition de Kacem Noua au Centre d’Arts plastiques de Saint-Fons, du 12 janvier au 16 février 2008. Un texte de Jean-Philippe Antoine et un entretien avec l’artiste complètent le catalogue.
Texte de Jean-Philippe Antoine
«Les peintures ici exposées confrontent leurs spectateurs à une énigme. Ils y reconnaîtront, ou sentiront confusément — c’est selon —, une mimique du geste de peindre entendu en son sens le plus littéral : recouvrir de peinture, à l’aide d’un instrument qui l’étale, une surface, le plus souvent plane.
Mais ce geste est ici déjà figé, et comme fétichisé par le double traitement dont il a fait l’objet : passage par un agrandissement photographique qui le méduse, et reproduction presque méticuleuse du résultat de cette opération. Dans l’intervalle que font naître ces procédures, des images neuves ont pris naissance, qui oublient le geste dont elles sont la trace : plis d’une tunique d’eau ou de glace, rideau liquide semé d’incrustations et de bulles creuses, parois bleuies, lisses et semi-transparentes, ouverts sur des dehors mentholés que réchauffent à l’occasion quelques lueurs solaires. L’œil, affolé par la perte d’échelle, y déchiffre — sans jamais décider — glaçon et paysage, Spitzberg et stalactite, avant de découvrir, s’il approche, que la profondeur simultanément maigre et illimitée qu’il y déchiffre est un pur trompe-l’œil, produit du grain pastellisé qu’enferme la surface gélifiée de peintures aplaties sur le mur pour mieux l’envahir et s’y répandre.
Dans ces écrans autrement déserts, s’ébauchent des consistances incertaines, que hante une froidure de science-fiction. Allégorisations du geste de peindre, ces paysages d’ameublement — comme Satie parlait de musique d’ameublement — manifestent d’un même élan économe les puissances d’illusion que recèle la peinture, et la part nécessaire que prennent à leur production des regardeurs qu’irrite l’indifférence des tableaux à leur égard, et le plaisir engourdi qu’ils suscitent.»