La première chose qui saute aux yeux dans l’œuvre de l’artiste allemand Jürgen Klauke est l’austérité de ses vidéos et de ses photographies.
De façon presque systématique, Klauke se présente dans ses œuvres en costume sombre, le visage impassible comme recouvert d’un masque, postures raides dont la chorégraphie semble pourtant réglée avec une grande précision…
Une sorte de tension s’installe entre l’action de l’artiste — il est toujours question d’actions dans les œuvres présentées —, le corps-automate du performeur et celui du spectateur. Les œuvres agissent comme un miroir reflétant notre position tendue face à l’œuvre, face à l’image, face à l’écran, puis finalement face au mur blanc du white cube.
Paradoxalement, cette tension n’est pas mécanique mais psychique. L’artifice de l’art apparaît tant qu’il ne s’agit plus du rapport traditionnel artiste-corps-spectateur, mais d’un dialogue de l’identique à l’identique. Les corps sont, pour l’artiste, des enveloppes creuses animées par une série d’automatismes : l’artiste et le spectateur se transfigurent alors en golem, en créature monstrueuse dont la paternité reste floue.
Formellement, les œuvres de Jürgen Klauke font penser aux performances des années 1960-1970 d’un artiste comme Robert Morris. Sobriété de la mise en scène, refus du jeu de la part des performeurs, minimalisme des décors, monochromie, volonté d’universalité, etc., sont autant d’éléments qui évoquent le minimalisme.
Mais la différence entre Klauke et ses homologues américains est cette tension contenue dans ses vidéos et ses photographies, qui le rapproche de la tradition romantique ou expressionniste germanique (on pense évidemment à Munch mais aussi au robot du Metropolis de Fritz Lang).
C’est dans les scènes où interviennent plusieurs acteurs que l’analogie avec l’automate est la plus nette : un homme est manipulé par d’autres à travers une sorte de rite mystérieux entre la liturgie religieuse et la programmation informatique. Le corps de l’automate est manipulé par des officiants, mais seul le golem semble paradoxalement avoir un visage. Nous sommes dans le stade ultime de la robotisation où l’homme est au service de la machine comme dans les plus sombres romans d’anticipation.
Avec Klauke, ce n’est pas le social qui est convoqué, mais bien la sphère de l’intime et du psychique. Les éléments qu’il choisit sont incontestablement symboliques.
Son œuvre s’inscrit dans un pacte réputé contre nature entre minimalisme et surréalisme. Cette hybridation radicale — sans compromis avec l’histoire de l’art — fait sans doute de Klauke l’un des rares artistes qui peut être qualifié de cyber-punk.
Jürgen Klauke
Entrée
— Dämmerattacke (Série « Les Névroses du dimanche »), 1990-1991. Tirage argentique. 120 x 149 cm.
Salle1
— Kontrollierter Abgang I (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique. (4 x) 50 x 70 cm.
— Poésie des toilettes (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique. (4 x) 50 x 70 cm.
— Beziehungsgeflecht (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique. (5 x) 50 x 70 cm.
— Kontrolierter Abgang II (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique. (4 x) 50 x 70 cm.
— Hoffnungsträger (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique. (4 x) 50 x 70 cm.
— Poésie des toilettes (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique.(5 x) 50 x 70 cm.
— Über der Malerei (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique. (3 x) 77,5 x 107 cm.
— Aesthetische Schmierstelle (Série « Le Désastre du moi »), 2003.Tirage argentique. (6 x) 50 x 70 cm.
Salle 2
— Mehrfach Beseelung (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique. (5 x) 50 x 70 cm.
— Hin & Her (Série « Le Désastre du moi »), 2003. Tirage argentique. (7 x) 50 x 70 cm.