Présentation
Nathalie Herschdorfer
Jours d’après. Quand les photographes reviennent sur les lieux du drame
Les événements dramatiques ont toujours fasciné les photographes avides de moments clés, d’instants décisifs. Dans un monde saturé d’images, où photographes professionnels et amateurs enregistrent et diffusent désormais en temps réel des scènes de violence ou de drame dans le monde entier, nous ne sommes devenus que trop familiers avec les images de guerres et de catastrophes naturelles.
Refusant cette immédiateté, des photographes ont choisi au contraire de prendre du recul par rapport à l’actualité dont se nourrissent les médias et de diriger leur regard sur ce qui se passe après.
Grâce à leurs photographies, nous pouvons mieux mesurer la réelle étendue d’un drame, comprendre les séquelles, visibles et invisibles, laissées sur les personnes, les paysages et les villes. Leurs clichés incitent à la réflexion, suscitent l’empathie et font naître une prise de conscience, lente et profonde, à laquelle nulle image choc ne peut prétendre.
Jours d’après présente les œuvres de plus d’une trentaine de photographes contemporains majeurs, dont Robert Polidori, Suzanne Opton, Raphaël Dallaporta, Taryn Simon, Guillaume Herbaut, Guy Tillim et Pieter Hugo.
Chaque série photographique, présentée de manière autonome, invite le lecteur à percevoir autrement certains événements survenus depuis plus d’un demi-siècle — l’Holocauste, Hiroshima, la dictature argentine, les massacres de Srebrenica, le génocide rwandais, la guerre en Irak, l’ouragan Katrina… — en nous donnant à voir les cicatrices, physiques ou psychiques, qui marquent à jamais ceux qui restent.
Chambres à coucher de jeunes soldats américains morts sur le front, murs de prisons autrefois témoins de tortures, visages fermés, énigmatiques de ceux qui ont connu la guerre, hommes et femmes ayant passé de nombreuses années en prison pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, façades trompeusement paisibles d’immeubles parisiens derrière lesquelles des employées furent réduites à l’esclavage, voilà quelques-uns des sujets des photographies contemplatives, émouvantes et toujours pudiques regroupées dans le présent volume.
En fin d’ouvrage, plusieurs chercheurs proposent des textes qui nous aident à mieux comprendre les problématiques soulevées par ces images, qu’il s’agisse des réactions cognitives face à une photographie, du phénomène de l’empathie ou encore du processus de stigmatisation. En montrant comment la photographie contemporaine interroge notre monde et participe à sa meilleure compréhension, Jours d’après constitue paradoxalement un ouvrage d’une grande actualité.