Installation dans l’espace public, la pièce Orbes de Jordi Galà (Cie Arrangement provisoire) oscille entre danse et cirque contemporain. Laissant aux publics la liberté d’aller et venir, Orbes interroge les liens entre gestes et lieu. Avec, en amont, un protocole de fabrication drastique. Né d’une rencontre avec la mathématicienne et danseuse Nermin Salepci, Orbes s’amuse de la logique, des formes qu’elle engendre. À commencer par le titre, référence à l’orbite des corps célestes les uns autour des autres. Attraction, répulsion, contact sans contact… le mouvement des astres fascine. Parce que des lois y président, comme autant de règles à déchiffrer. Avec Orbes, les spectateurs sont placés face à des mouvements qui suivent une logique, des lois, des règles. Mais lesquelles ? Pièce pour deux à cinq interprètes — Anne Sophie Gabert, Lea Helmstädter, Konrad Kaniuk, Jérémy Paon, Jeanne Vallauri / Julia Moncla —, Orbes explore hasard et symétrie.
Orbes de Jordi Galà : entre hasard et symétrie, la magie des combinatoires
Côté hasard, ce sont les combinatoires qui mènent la danse. Dans un esprit proche de Fluxus (John Cage, Merce Cunningham…), Jordi Galà a d’abord décomposé le spectacle en plusieurs ensembles d’éléments combinables. Avec six paramètres distincts. 1. Les points de contact entre les corps. 2. Le graphe (les relations entre les interprètes). 3. Les permutations (place de chaque entité au sein de la structure). 4. L’espace (position de chaque structure au sein de l’ensemble). 5. Les directions (sur la base des points cardinaux). 6. Le temps (chaque structure pouvant durer jusqu’à soixante secondes). Soient plusieurs billions de billards de possibilités. Tandis qu’une série de quinze structures aura été retenue (de manière aléatoire). Pour une exploration de l’absurde, qui surgit lorsque la contingence tient lieu d’intention. Et face à cet aléatoire décisionnaire, la symétrie. Celle, spécifique, du groupe diédrale D8, permettant d’obtenir cent-vingt structures à partir des quinze initiales.
Une danse-performance à travers laquelle circuler : l’architecture des corps
Plus qu’une démonstration, la pièce Orbes de Jordi Galà met en œuvre un système de contraintes signifiantes. Rigoureux, le protocole déploie une trame qui décharge les danseurs du poids de l’intentionnalité. Les choses, les mouvements, les gestes arrivent par hasard et par symétrie. Interpréter l’œuvre, ici, reviendrait presque à pratiquer l’astrologie. Et relevant de l’astronomie plus que de l’astrologie, Orbes présente des corps en gravitation. Mais comme il faut aussi que les choses tiennent ensemble, s’adjoint un principe venu de l’architecture. La tenségrité. Soit ce qui fait que, comme pour les arches, deux faiblesses adossée l’une à l’autre font une force. Autrement dit, en s’appuyant les uns contre les autres, les corps forment des structures équilibrées. Tandis que le temps est figuré ici par un grand cercle au sol, jonché de cent-vingt petits cubes colorés. Pièce à déchiffrer, Orbes cultive la beauté des mécanismes de montre.