Pièce chorégraphique pour sept interprètes, Fact (2017) de la Cie Black Sheep, sonde les sources de la danse : le mouvement. Compagnie fondée en 2015 par Johanna Faye et Saïdo Lehlouh, Black Sheep vient du Hip-hop — plus précisément du B-boying. Mais structure chorégraphique souple, Johanna Faye et Saïdo Lehlouh ne s’enferment pas dans leur duo ou leur style. Créant, conjointement ou séparément, des performances reflétant la pluralité des danses contemporaines. Avec Fact, chorégraphiée par Johanna Faye et Saïdo Lehlouh, Black Sheep plonge dans l’énergie du geste. Facts are facts — les faits sont les faits. Avec ce mot simple et percutant, Black Sheep annonce la couleur : celle du factuel, du tangible. Pour une pièce décortiquant la chair de la vie urbaine : le flux, les déplacements et la circulation. Et sur une scène travaillée par la lumière, les murs et les sons, s’esquisse un paysage, un volume urbain.
Fact de Johanna Faye et Saïdo Lehlouh (Cie Black Sheep) : la ville, entre privé et public
Avec sept interprètes — Ilyess Benali, Théophile Bensusan, Johanna Faye, Lauren Lecrique, Saïdo Lehlouh, Maria Mc Clurg —, Fact déstructure l’expérience de l’environnement urbain. Soit cet espace mi-public, mi-privé, où se meuvent les individus, les foules. Économie des échanges et circulations : tout y est millimétré, calibré. Et sur une musique électro d’Awir Léon, aussi vibratile que pulsée, Fact explore l’espace en raréfaction, la contagion du geste, la puissance du collectif. Dans une ambiance à la fois neutralisée et saturée d’informations, se déploie ainsi un jeu d’empiétements entre public et privé, intériorité et extériorité. Parfois l’individu se recroqueville sur sa nervosité, peinant à endiguer tics et autres électrochocs internes. Parfois cette saccade se propage au groupe, sans autre cohérence que d’être au diapason du stress. Et parfois les mouvements se répondent et complètent. À la lisière de cette étrange poésie des nuages d’étourneaux.
Plongée sensible dans la chair de la ville : une exploration des circulations urbaines
Dans une mise en scène épurée, rappelant presque Einstein on the Beach (1976) de Robert Wilson et Philip Glass, les corps dansent. Construisant et déconstruisant méthodiquement l’espace du commun, structuré par des pavés mobiles gris — pouvant faire office de banc ou de pilier, suivant l’orientation. Lieu de l’intimité au plein jour, l’espace urbain est aussi un grand circuit de regards. Avec ce que chacun donne délibérément à voir ou ne peut s’empêcher de montrer — la frontière entre les deux étant floue. Et portant sur la scène cette texture sociale, corporelle, Fact permet aussi un jeu de focales. Opérant notamment des zooms sur certains faits et gestes. Livrant ainsi une expérience réflexive, en acte, sur la fabrique de l’urbanité au quotidien. Tout en court-circuitant la rapidité de l’expérience citadine, par le décryptage de ses articulations. Pour une plongée fine et sensible dans la dynamique des transports affectifs urbains.