ART | CRITIQUE

Joe Coleman

PIsabelle Soubaigné
@12 Jan 2008

Pensant qu’il «faut trouver un moyen d’expression digne de la souffrance», Joe Colman analyse et dissèque son époque dans la lignée de peintres comme Jérôme Bosch ou Francisco Goya qui jouaient avec la cruauté, la folie et les traumatismes de l’histoire.

Une petite pancarte annonce dès l’entrée que certaines scènes de violence peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes. Le décor est planté, l’univers unique et cauchemardesque de Joe Coleman tapisse les murs.

L’artiste se livre à une véritable autopsie de la condition humaine et renvoie le reflet de la face obscure de l’Amérique. Les tueurs en série, les gangsters et les monstres occupent une place importante dans sa peinture.
Ces tableaux racontent la vie de leurs sujets et mêlent parfois textes, collages et objets. Les bordures des cadres deviennent alors les supports de petites saynètes où se joue l’atrocité d’un monde surréaliste.
There’s No Place Like Rome se peuple de squelettes en plastique aux regards et aux attitudes menaçantes. Ecce Homo présente un personnage central dont le ventre est affublé d’une bouche édentée grande ouverte. Un papier miroir est collé à l’intérieur de cette brèche béante. Le spectateur est pris à parti par ce simple artifice. Nous entrons dans la toile et dans son monde chaotique.

Issus de la culture populaire ou de la religion, les protagonistes qui nourrissent le travail de l’artiste cristallisent un sentiment démesuré de perversité. Que cherche-t-on à nous montrer?
Joe Coleman explique qu’il peint des tueurs en série car il pense «qu’ils essayent de communiquer. L’acte de poignarder quelqu’un est un acte de communication dans lequel on donne sa douleur directement à l’autre. Le problème c’est que l’on détruit l’autre personne en même temps qu’on se détruit soi-même». Il ajoute qu’«il faut trouver un moyen d’expression digne de la souffrance».

Assistons-nous aux résultats de ses recherches ou à une introspection obsessionnelle? Le spectacle de la décadence exacerbe ici une beauté morbide qui fascine l’artiste. Cette part de l’individu que l’on cache, que l’on refoule, est mise en avant, «sanctifiée» dans des œuvres proches des retables d’un autre temps.

Dans la lignée de peintres comme Jérôme Bosch ou Francisco Goya qui jouaient avec la cruauté, la folie et les traumatismes de l’histoire, Joe Coleman analyse et dissèque son époque. Il se considère davantage comme un «pathologiste», que comme un artiste. Il s’intéresse à la déchéance et aux affections d’une génération qui semble pervertie.
Comme un antidote fictif aux maux qui nous assaillent, ces placebos prolifiques ne soignent que notre conscience. Nous sommes confrontés à une violence que nous connaissons sans pouvoir y remédier. Nous nous réfugions quelques instants derrière son existence. La fascination abjecte pour les atrocités affichées se mêle alors à la complicité d’une dénonciation acerbe de la terreur qui nous hante.

Joe Coleman
— I Am Joe’s Fear of Disease, 2001. Collection of Mickey and Janice Cartin.
— Portrait of Charles Manson, 1988. Collection Museum HR Giger, Gruyères, Suisse.

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