ART | CRITIQUE

Jérôme Zonder

PPatrick de Sinety
@12 Jan 2008

Jérôme Zonder recoure exclusivement au stylo Bic noir. Le choix de l'outil résulte ici d'un acte politique qui définit le rapport que ce travail entretient avec l'Histoire contemporaine.

Le fait que Jérôme Zonder recoure exclusivement au stylo Bic noir pour représenter la réalité pourrait à lui seul illustrer la perspective dans laquelle s’inscrit son travail. Le choix de l’outil résulte ici d’un acte politique qui définit le rapport que ce travail entretient avec l’Histoire contemporaine.

A la production de masse, Jérôme Zonder répond par la création d’une Å“uvre — par définition unique — conçue avec l’un des objets les plus reproduits quotidiennement, mais qui, en servant à créer un objet dont la singularité prend l’exact contre-pied de la logique industrielle, devient à son tour unique.

Ainsi, la représentation de la réalité s’opère dans un va-et-vient constant entre le symbole et le moyen qui permet de le créer – un stylo identiquement reproduit dans des quantités vertigineuses, sert à dessiner des objets constitués de milliers de points, quoique tous uniques, qui figurent symboliquement les milliards de particules de matière dont toute chose est faite. Est de la sorte montré le monde tel que la biologie nous le fait désormais percevoir : un monde gazeux et flottant, cellulaire et instable.

Ce principe de va-et-vient fonctionne comme le cÅ“ur du dispositif narratif mis en place dans ces dessins. Le va-et-vient sert donc d’articulation à chaque énoncé, systématiquement pensé de manière à ce que l’aspect concret renvoie à l’aspect symbolique, instaurant ainsi divers niveaux de lectures. Par exemple, les propriétés concrètes des objets représentés se superposent à leur signification dans la trame du dessin – l’énergie électrique, élément vital de la modernité symbolisé par les prises, renvoie à l’activité neuronale elle-même régie par des connexions électriques ; les puces électroniques aux allures d’architectures urbaines et greffées au cerveau d’un homme se muant en machine.

Les interférences se manifestent également entre ce à quoi renvoie l’objet standardisé représenté et la subversion ironique de ses valeurs par le dessin – des têtes de Mickey maltraitées, le logo de Coca-Cola indéfiniment reproduit, évoquant un océan de pétrole qui fait autant écho à la colonisation des murs de nos villes par la publicité, qu’aux techniques et aux sources d’inspiration du Pop Art, mais qui s’exprime ici par d’autres moyens et à une autre échelle de temps, le temps lent et artisanal de la composition, points après points, du motif.

Jérôme Zonder :
Sujet 2 experience 1, 2004. Stylo à bille et feutre sur papier. 175 x 145 cm.
Homo sapiens sapiens, 2004. Stylo à bille sur papier. 175 x 145 cm.
C’est mon feuilleton préféré, 2004. Stylo à bille, feutre et encre de chine sur papier. 165 x 175 cm.
Unités, 2004. Stylo à bille, feutre et solvant sur papier. 110 x 145 cm.

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